Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/15

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de drap brodé, mais usé et flétri : supplément qui n’était cependant point sans quelque utilité, car il empêchait les rayons brûlants du soleil de frapper directement sur l’armure, qui autrement aurait été insupportable au cavalier. Ses armoiries figuraient en différents endroits sur le sayon, et, quoique fort effacées, paraissaient être un léopard rampant, avec cette devise : « Je dors, ne m’éveillez pas[1]. » On pouvait distinguer sur son bouclier les traces du même écusson, quoique de nombreux coups en eussent presque entièrement effacé les traits. Le haut de son énorme casque, de forme ronde, n’était surmonté d’aucun cimier. En conservant leur pesante armure défensive, les croisés du Nord semblaient défier la nature du climat et du sol sur lequel ils venaient faire la guerre.

L’équipement du cheval n’était guère moins pesant et moins incommode que celui du cavalier. Il portait une lourde selle recouverte de plaques d’acier, et qui venait se rejoindre par devant à une espèce de poitrinal : par derrière, une armure défensive lui garantissait la croupe et les flancs. Il portait aussi à l’arçon de la selle la hache ou marteau d’acier, appelée masse d’armes. Les rênes de la bride étaient des chaînes, et la tête de l’animal était défendue par un chanfrein de fer avec des ouvertures pour les yeux et les narines, et du centre duquel partait une courte pointe aiguë qui, sortant du front du cheval, lui donnait un trait de ressemblance avec la fabuleuse licorne.

Mais une longue habitude avait familiarisé le voyageur et son généreux coursier avec le poids de cette massive panoplie. À la vérité, un grand nombre de guerriers, venus de l’Occident vers la Palestine, périssaient avant d’avoir pu s’accoutumer à ce climat brûlant ; mais il y en avait d’autres pour lesquels cette température n’était pas nuisible, à qui elle devenait même favorable, et parmi eux se trouvait le cavalier solitaire qui parcourait en ce moment les bords déserts de la mer Morte.

La nature avait donné à ses membres une vigueur peu commune, car il portait sa cotte de mailles avec autant d’aisance que si le tissu en eût été fait des fils de l’araignée ; et en même temps elle l’avait doué d’un tempérament aussi robuste que ses membres, et d’une santé qui défiait tous les changements de climat ainsi que la fatigue et les privations de toute espèce. Son caractère semblait parfaitement en rapport avec son organisation physique : car si cette dernière était également capable d’endurer les souffrances et

  1. I sleep, wake me not. a. m.