Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/19

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amener son adversaire à sa portée : néanmoins, dans cette lutte mortelle, l’agilité et la présence d’esprit du guerrier d’Orient le sauvèrent encore… Il détacha son ceinturon par lequel le chevalier du Léopard s’était saisi de lui, et se débarrassant ainsi de son redoutable poignet, il remonta sur son cheval qui, semblant suivre tous ses mouvements avec l’intelligence d’une créature humaine, s’éloigna de nouveau. Mais, dans cette dernière rencontre, le Sarrasin avait perdu son épée et son carquois attachés au ceinturon qu’il avait été obligé d’abandonner ; il avait également perdu son turban pendant la lutte. Ces accidents parurent le disposer à une trêve… Il s’approcha du chrétien, la main droite étendue, sans rien conserver de menaçant dans son attitude.

« Il y a trêve entre nos deux nations, » dit-il dans la langue franque, qui servait généralement de moyen de communication entre les croisés et leurs ennemis… « Pourquoi la guerre de toi à moi ? Que la paix soit entre nous.

— J’y consens, répondit le chevalier du Léopard, mais quelle garantie m’offres-tu ?

— La parole d’un sectateur du Prophète ne fut jamais violée, reprit l’émir, et c’est à toi, brave Nazaréen, que je demanderais une garantie, si je ne savais que la trahison se trouve rarement alliée au courage. »

Le croisé sentit que la noble confiance du mahométan devait le faire rougir de ses soupçons.

« Par la croix de mon épée ! » dit-il en mettant la main sur son arme, « je te serai fidèle compagnon, Sarrasin, tant que le sort voudra que nous demeurions dans la société l’un de l’autre.

— Par Mahomet, prophète de Dieu, et par Allah, dieu de Mahomet ! » répliqua son ci-devant antagoniste, « il n’y a pas contre toi de trahison dans mon cœur. Et maintenant rendons-nous donc auprès de cette fontaine, car l’heure du repos est arrivée, et la source avait à peine rafraîchi mes lèvres quand ton approche est venue m’appeler au combat. »

Le chevalier du Léopard s’empressa de consentir avec courtoisie à cette proposition, et les deux guerriers, ennemis quelques minutes auparavant, sans aucun reste d’irritation dans leurs regards, sans un geste qui indiquât la moindre méfiance, chevauchant tranquillement côte à côte, se dirigèrent vers les palmiers.