Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/20

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CHAPITRE II.

LA FONTAINE DES PALMIERS.


Entre deux compagnons qui conversent, et devisent ensemble pour passer le temps, et dont les cœurs sont également soumis au joug de l’amour, il doit y avoir un rapport de manières, de sentiments et de pensées.
Shakspeare.


Les temps de guerre et de dangers ont toujours leurs intervalles de paix et de sécurité. Il en était ainsi dans les anciens siècles de la féodalité : les mœurs de l’époque ayant fait de la guerre la principale et la plus honorable des occupations du genre humain, les trêves ne pouvaient manquer d’être fort agréables à ces guerriers qui en jouissaient si rarement, et auxquels elles paraissaient d’autant plus douces qu’elles étaient plus passagères. On ne croyait pas qu’il valût la peine de conserver une inimitié permanente contre un ennemi qu’on avait combattu la veille, et avec lequel on pouvait encore se rencontrer en armes le lendemain. Le temps et la situation des choses offraient aux passions violentes tant d’occasions de se satisfaire, que les hommes, à moins de se trouver en opposition directe les uns avec les autres, ou d’être animés par le souvenir d’outrages personnels, jouissaient gaîment, dans une société mutuelle, des courts moments de liaisons pacifiques que leur permettait leur vie guerrière.

La différence de religion, nous dirons plus, le zèle fanatique qui animait les uns contre les autres les défenseurs de la croix et ceux du croissant, s’effaçaient presque devant un sentiment si naturel à des guerriers généreux, et que fortifiait surtout l’esprit de chevalerie. Cette dernière impulsion s’était insensiblement communiquée des chrétiens à leurs ennemis mortels les Sarrasins d’Espagne et de Palestine. Ce n’étaient plus les sauvages fanatiques qui s’étaient élancés du centre des déserts de l’Arabie, le sabre d’une main et le Coran de l’autre, imposant la mort ou la loi de Mahomet, ou tout au moins un tribut et l’esclavage à quiconque osait contester la mission du prophète de la Mecque. Les Grecs et les Syriens, peu