Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/29

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— Bassora et Bagdad ne peuvent en offrir un pareil, répliqua le Sarrasin : mais quel rapport a ceci avec ce que nous disons ?

— Un grand, répondit le Franc, comme tu vas en convenir toi-même : prends ma hache d’armes et brise cette pierre en vingt morceaux. Chacun de ses fragments sera-t-il aussi précieux que le diamant primitif, et rassemblés tous ensemble auront-ils la dixième partie de sa valeur ?

— C’est une question d’enfant, répondit le Sarrasin ; les fragments réunis d’une telle pierre ne vaudraient pas la centième partie du prix du diamant dans son entier.

— Sarrasin, reprit le guerrier chrétien, l’amour que voue un vrai chevalier à une seule beauté tendre et fidèle est le diamant en entier. L’affection que se partagent tes femmes, plus esclaves qu’épouses, a comparativement aussi peu de prix que les fragments.

— Par la sainte Caba ! dit l’émir, tu es un fou qui chérit ses chaînes de fer comme si elles étaient d’or. Regarde de plus près : cette bague perdrait la moitié de sa beauté, si la pierre du milieu qui forme le cachet n’était pas entourée de ces autres brillants plus petits qui la font ressortir. Le diamant du centre peut se comparer à l’homme ferme et entier, ne tirant sa clarté que de lui-même, et cet entourage de petites pierres, ce sont les femmes sur lesquelles il fait rejaillir une partie de son éclat comme et quand il lui plaît. Enlevez de la bague le diamant du milieu, celui-ci conserve toute sa valeur, tandis que les autres brillants perdent comparativement beaucoup de la leur. Et c’est là la véritable explication de la parole ; car, comme dit le père Mansour : « C’est la faveur de l’homme qui donne à la femme sa beauté et sa grâce, de même que les ondes du ruisseau cessent d’étinceler quand le soleil s’est retiré. »

— Sarrasin, tu parles comme un homme qui n’a jamais vu de femme digne de l’amour d’un guerrier. Crois-moi, si tu pouvais connaître celles de l’Europe auxquelles nous autres membres de la chevalerie nous vouons, après Dieu, foi et hommage, tu n’éprouverais plus que du mépris et de l’aversion pour les pauvres esclaves de ton harem, qui ne peuvent t’offrir que des plaisirs sensuels. Les charmes de nos belles aiguisent la pointe de nos lances et le tranchant de nos épées ; leurs paroles sont notre loi, et un chevalier qui n’a pas choisi de maîtresse de ses affections n’est pas plus capable de se distinguer par ses faits d’armes qu’une lampe qui n’est pas allumée n’est susceptible de répandre d’éclat.

— J’ai entendu parler de cette frénésie parmi les guerriers de