Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/110

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Le comte touchait aussi de fort près au trône, car il avait épousé la fille aînée du monarque régnant.

Après les fiançailles du duc de Rothsay et de la fille du comte de March, Douglas, comme s’il eût différé d’intervenir dans la négociation, pour montrer que lui seul pouvait la conclure, entra dans la lice pour faire déchirer le contrat. Il proposa, avec sa fille Marjory, des biens plus considérables que n’en avait offert le comte de March, et déterminé par sa propre cupidité et par la crainte de Douglas, Albany mit en jeu toute son influence sur le timide monarque, et réussit à obtenir de lui qu’on annulerait le contrat passé avec le comte de March, et qu’on marierait le duc de Rothsay à Marjory Douglas, femme qu’il ne pouvait aimer. Aucune excuse ne fut présentée au comte de March, sinon que les fiançailles entre le prince et Élisabeth de Dunbar n’avaient pas été approuvées par les États du parlement, et que jusqu’à cette ratification le contrat était susceptible d’être rompu. Le comte ressentit profondément l’injure faite à lui et à sa fille, et l’on crut généralement qu’il méditait une vengeance, que sa grande influence sur la frontière anglaise le mettait à même d’exercer.

Cependant le duc de Rothsay, irrité du sacrifice que l’on avait fait de sa main et de ses inclinations à cette intrigue d’État, montra son déplaisir à sa manière, en négligeant sa femme, en méprisant son formidable et dangereux beau-père, en témoignant peu de respect à l’autorité du roi lui-même, et point du tout aux remontrances d’Albany, son oncle, qu’il considérait comme son ennemi avoué.

Au milieu de ces dissensions intérieures, qui déchiraient sa famille et qui s’étendaient dans les conseils et l’administration, introduisant partout les funestes effets de l’incertitude et de la désunion, le faible monarque avait été quelque temps soutenu par les avis de la reine Annabella, fille de la noble maison de Drummond, douée d’une sagacité profonde et d’une fermeté d’esprit, qui exerçaient quelque influence sur la légèreté d’un fils qui la respectait, et soutenaient souvent la résolution vacillante de son royal époux. Mais, après sa mort, le faible monarque ne ressembla à rien tant qu’à un vaisseau chassé de ses ancres et ballotté par des courants contraires. Généralement parlant, on pourrait dire de Robert qu’il chérissait son fils… qu’il éprouvait du respect et de la terreur pour le caractère de son frère Albany, caractère beaucoup plus ferme que le sien propre… qu’il éprou-