Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/123

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veiller sur votre auguste personne, qu’il ordonne à vos Brandanes de prendre les armes quand un respectueux sujet s’approche de votre résidence avec une dizaine d’hommes d’armes, c’est-à-dire avec une aussi pauvre suite que le moindre des barons qui possèdent une tour et mille acres de bruyères. Quand de telles précautions sont prises sans qu’il y ait la moindre apparence de danger… car j’espère qu’on n’avait rien à craindre de moi… votre royale personne sera certainement défendue comme il faut dans un péril réel. — Milord de March, dit le duc d’Albany, les moindres barons dont vous parlez font armer leurs gens, même lorsqu’ils reçoivent leurs plus chers et leurs plus intimes amis en deçà de la grille de leur château ; et s’il plaît à Notre-Dame, j’en ferai autant pour la sûreté du roi qu’ils en font pour la leur. Les Brandanes forment la garde particulière du roi, et une centaine de ces gens est une fort modeste suite pour Sa Grâce, quand vous-même milord, aussi bien que le comte de Douglas, vous arrivez souvent avec une escorte dix fois plus nombreuse. — Milord duc, quand le service du roi le nécessite, je puis venir avec dix fois autant de cavaliers que vous me l’avez dit ; mais je ne l’ai jamais fait ni par trahison envers le roi, ni par vanterie pour intimider d’autres nobles. — Mon frère Robert, » dit le roi toujours inquiet de maintenir la paix, « vous faites injure à milord de March en concevant l’ombre d’un soupçon. Et vous, cousin de March, vous interprétez mal la précaution de mon frère… Mais écoutez… pour faire diversion à ce triste entretien… j’entends une musique assez agréable. Vous connaissez la gaie science, milord de March, et vous savez l’estimer… Mettez-vous à cette fenêtre près du saint prieur, à qui nous ne pouvons pas adresser de question sur des plaisirs mondains, et vous nous direz si la musique et les vers sont dignes d’être entendus. C’est un air français, je crois… Le jugement de mon frère d’Albany sur de telles matières ne vaut pas une cosse d’ivraie… c’est donc vous, cousin, qui devez nous apprendre si la pauvre chanteuse mérite quelque récompense. Notre fils et Douglas vont arriver dans un instant, et alors, quand notre conseil sera réuni, nous traiterons de plus graves affaires. »

Avec une espèce de sourire orgueilleux sur les lèvres, le comte de March se retira dans l’embrasure de la fenêtre, et y resta en silence à côté du prieur, comme si, tout en obéissant à l’ordre du roi, il pénétrait et méprisait la précaution timide qui l’avait dicté afin de prévenir une querelle entre Albany et lui-même. L’air