Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/145

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jusqu’alors, « je vais vous expliquer franchement ma position. C’est aujourd’hui la Saint-Valentin, et selon l’usage je devais passer ce jour avec ma jolie Valentine ; mais des coups et des querelles ont employé toute la matinée, à l’exception d’une pauvre demi-heure. Maintenant vous pouvez bien comprendre où sont mon cœur et mes pensées, où je devrais être moi-même, ne fût-ce que par pure politesse. »

La chanteuse écouta et parut comprendre.

— Si vous êtes un sincère amant, et si vous devez tenir compagnie à une chaste Valentine, à Dieu ne plaise qu’une fille comme moi mette de la mésintelligence entre vous ! Ne pensez plus à moi. Je demanderai à cette grande rivière d’être mon guide jusqu’au lieu où elle rencontre l’Océan ; là il y a, m’a-t-on dit, un port de mer. Je m’embarquerai pour ma belle France, et me retrouverai encore une fois dans un pays où le plus grossier paysan n’insulterait pas la plus pauvre femme. — Vous ne pouvez aller à Dundee aujourd’hui, répliqua Henri ; les gens de Douglas sont en marche des deux côtés de la rivière ; car l’alarme de ce matin est déjà arrivée jusqu’à eux. Aujourd’hui, demain, et même la nuit entière, ils courront rejoindre l’étendard de leur chef, comme les montagnards leur croix de feu. Voyez-vous ces cinq ou six hommes qui galopent si vite de l’autre côté de l’eau ? Ce sont des Annandales ; je les reconnais à la longueur de leurs lances et à leur manière de les porter. Un Annandale ne penche jamais sa lance en arrière, mais tient toujours la pointe droite ou dirigée en avant. — Et que sont-ils ? demanda la chanteuse, des hommes d’armes et des soldats… Ils me respecteraient, grâce à ma viole, et rien que pour me voir sans appui. — Je ne médirai pas d’eux, répondit Smith ; si vous étiez dans leurs vallées, ils vous recevraient hospitalièrement, et vous n’auriez rien à craindre ; mais ils sont à présent en expédition. Tout leur est poisson qui vient tomber dans leurs filets. Il y a tels d’entre eux qui vous arracheraient la vie pour la valeur de vos boucles d’oreilles d’or. Toute leur âme est dans leurs yeux pour apercevoir la proie et dans leurs mains pour la saisir. Ils n’ont d’oreilles ni pour entendre les airs de musique, ni pour écouter les prières de merci ; et d’ailleurs ils ont reçu un ordre de leur chef relativement à vous, et c’est un ordre de nature à être exécuté. Oui, les grands seigneurs sont plus vite obéis quand ils disent : « Brûlez une église que quand ils disent : Bâtissez-en une. — Alors, dit