Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/181

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désirer, ou même de penser à la possession d’un trône et d’une couche qui ne peuvent devenir vacants que par une injustice outrageante pour la femme qui les possède aujourd’hui ? Est-ce bien le sage réformateur de l’Église qui conçoit un projet si injuste en lui-même et l’appuie sur des fondements si précaires ? Depuis combien de temps, bon père, le royal libertin a-t-il tellement changé de caractère qu’il puisse courtiser honorablement la fille d’un artisan de Perth ? Il faudrait que deux jours eussent opéré ce changement, car c’est là le temps qui s’est écoulé depuis qu’il a forcé la maison de mon père à minuit, avec des intentions plus criminelles que celles d’un voleur ordinaire. Et croyez-vous d’ailleurs que si le cœur de Rothsay lui dictait un mariage si humble, il lui serait possible d’accomplir un tel projet sans exposer et ses intérêts et sa vie ? Il serait à la fois assailli par Douglas et par le comte de Dunbar pour une action qu’ils regarderaient comme un outrage envers leurs deux maisons ? Ô père Clément ! où étaient vos principes, où était votre prudence, quand vous vous laissiez abuser par un rêve si étrange, et quand vous donniez à la plus humble de vos disciples le droit de vous adresser de pareils reproches ? »

Les yeux du vieillard se remplirent de larmes, lorsque Catherine, péniblement affectée de ce qu’elle venait de dire, se tut enfin.

« C’est par la bouche d’enfants à la mamelle, dit-il, que Dieu a réprimandé ceux qui voulaient paraître sages dans leur génération. Je rends grâces au ciel qui m’a envoyé par l’intermédiaire d’une personne si chère des pensées meilleures que ma propre vanité ne m’en suggérait… Oui, Catherine, je ne dois plus m’étonner désormais ni m’écrier, quand je verrai ceux que j’ai jusqu’à présent jugés trop sévèrement, courir après le pouvoir temporel en prenant néanmoins le langage d’un zèle religieux. Je vous remercie, ma fille, de votre salutaire admonition, et je remercie le ciel qui l’a fait sortir de vos lèvres plutôt que de celles d’un censeur plus sévère. »

Catherine avait levé la tête pour répondre et pour consoler le vieillard, dont l’humiliation la peinait, quand ses yeux s’arrêtèrent sur un objet qui se trouvait tout auprès d’elle. Parmi les pointes de rocs et les pierres aiguës qui environnaient ce lieu solitaire, il s’en trouvait deux qui semblaient avoir fait partie du même rocher, qui, fendu par la foudre ou par un tremblement de terre, offrait alors une ouverture large de quatre pieds. Hors de