Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/207

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l’air prêt à pourfendre des justaucorps de buffle qu’à tailler des gants de chevreau. »

Tout en faisant ces réflexions, le redoutable Olivier marchait vite et avec aussi peu de bruit que possible, se dirigeant vers le passage, où, comme nos lecteurs le savent, demeurait l’armurier ; mais sa mauvaise fortune n’avait pas cessé de le poursuivre. Au détour de la rue principale, High-Street, il entendit une symphonie de musique tout près de lui, suivie de grandes clameurs.

« Mes joyeux camarades les danseurs mauresques, pensa-t-il ; je reconnaîtrais le violon du vieux Jérémie entre cent autres ; je m’aventurerai à traverser la rue avant qu’ils passent ; et si je suis aperçu, j’aurai l’honneur de paraître chercher des aventures, ce qui ne nuira point à ma renommée de bonne lame. »

Avec ce désir d’être compté au rang des plus braves et des plus galants, que combattaient toutefois intérieurement des considérations plus prudentes, le bonnetier tenta de traverser la rue ; mais les masques étaient accompagnés de torches dont la lumière tombait sur Olivier, qu’on reconnut aisément à son habit de couleur claire ; un cri général de : « Une prise ! une prise ! » couvrit les accords des instruments ; et avant que le fabricant de bonnets eût pu décider s’il ferait mieux de s’arrêter ou de fuir, deux agiles jeunes gens vêtus d’un bizarre costume de carnaval, qui semblait imiter le costume des sauvages, et tenant de grandes massues, le saisirent en disant d’un ton tragique : « Rends-toi, homme à grelots et à marotte, rends-toi à merci et sans condition, ou tu es un danseur mauresque mort. — À qui faut-il me rendre ? » dit le bonnetier d’une voix tremblante ; car, quoiqu’il vît bien qu’il avait affaire à une bande de masques sur pied pour le plaisir, il remarqua en même temps qu’ils étaient bien au-dessus de sa classe, et perdit l’audace nécessaire pour faire sa partie dans un jeu où l’inférieur pouvait être en butte à de mauvais traitements. — Oses-tu parler, esclave ? dit un des masques ; et ai-je besoin de te montrer que tu es captif, en te donnant sur-le-champ la bastonnade ? — Oh ! nullement, puissant homme de l’Inde, répondit le fabricant de bonnets ; tenez, je me soumets à votre bon plaisir. — Avance donc, dit un de ceux qui l’avaient arrêté ; avance, et rends hommage à l’empereur des mimes, au roi des cabrioleurs, et au grand-duc des heures ténébreuses. Explique-nous aussi de quel droit tu es assez présomptueux pour gambader, pour regimber, pour user tes souliers de peau dans ses domaines sans lui