Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/228

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vre de ta blessure et l’influence enivrante de ton soporifique t’ont inspiré ce soir, plutôt que tes propres réflexions. — Sûrement, milord, répondit Ramorny ; si j’ai dit quelque chose qui puisse si fort déplaire à Votre Altesse, ce doit avoir été par un excès de zèle, mêlé à la faiblesse de mon esprit. Sans doute, de tous les hommes, aucun n’est moins capable que moi de proposer des projets ambitieux, dans l’intention d’en tirer avantage pour lui-même. Hélas ! ma seule perspective, dans l’avenir, doit être d’échanger la lance et la selle pour le bréviaire et le confessionnal. Le couvent de Lindores recevra le chevalier de Ramorny, estropié et appauvri, qui aura dans ce lieu tout le loisir de méditer sur ce texte : « Ne mets pas ta confiance dans les princes. » — C’est une pieuse résolution, dit le prince, et nous ne manquerons pas de l’encourager. Notre séparation ne devait être que momentanée… maintenant elle doit être éternelle. Assurément, après le discours que vous m’avez tenu, il est à propos que nous vivions loin l’un de l’autre ; mais le couvent de Lindores, ou toute autre maison qui vous recevra, sera richement doté et hautement favorisé par nous… Et maintenant, sir John de Ramorny, bonsoir… Dormez… et oubliez cette conversation fatale dans laquelle la fièvre de la maladie et la fièvre de l’ivresse se sont entretenues plutôt que nos esprits… Éclairez-moi, Éviot. »

À la voix d’Éviot arrivèrent les gens du prince qui s’étaient endormis dans l’antichambre et sur l’escalier, épuisés par les orgies de la soirée.

« N’y a-t-il personne parmi vous qui ne soit pas ivre ? » demanda le duc de Rothsay, dégoûté à l’aspect des gens de sa suite.

« Personne, » lui répondirent plusieurs voix d’ivrognes ; « nul de nous n’a été traître à l’empereur des joyeux garçons. — Et vous êtes donc tous changés en brutes ? dit le prince. — Pour obéir aux ordres de Votre Grâce et suivre son exemple, répondit quelqu’un ; et si vous nous trouvez en arrière, nous ferons une visite à la calebasse. — Paix ! ignoble créature, reprit Rothsay ; n’y a-t-il personne entre vous qui ne soit pas ivre, vous dis-je ? — Si, mon noble maître ; il y a un faux frère, Watkins l’Anglais. — Viens donc ici, Watkins, et éclaire-moi… Donne-moi un manteau et un bonnet. Emporte cette friperie, » ajouta-t-il en jetant à terre sa couronne de plumes. « Plût à Dieu que je pusse aussi aisément me débarrasser de toutes mes folies… Wat l’Anglais, accompagne moi seul, et vous autres, finissez vos extravagances, quittez vos habits de