Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/269

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braser tout le pays s’éteindra dans le sang de quarante ou cinquante de ces mutins. Les deux grandes confédérations sont convenues par un traité solennel de décider leurs querelles avec telles armes qu’il plaira à Votre Altesse de désigner, en votre royale présence, dans le lieu qui leur sera indiqué, le 30 mars prochain, qui est le dimanche des Rameaux. Le nombre des combattants est fixé à trente de chaque côté. Le combat sera à outrance, car ils supplient humblement et conjurent Votre Majesté que, par grâce spéciale, vous vouliez bien renoncer, pour ce jour-là, à votre royal privilège, d’interrompre le combat, en jetant votre sceptre ou en criant : « C’est assez ! » avant que le combat soit entièrement terminé. — Les barbares sauvages, s’écria le roi, veulent-ils limiter le meilleur et le plus précieux de nos droits royaux, celui de mettre un terme à un combat, et de crier aux combattants : « Trêve ? » Veulent-ils détruire le seul motif qui pourrait me décider à assister au spectacle de leur sanglante boucherie ?… Prétendent-ils combattre comme des hommes ou comme les loups de leurs montagnes ? — Milord, dit Albany, le comte de Crawford et moi, nous avons pris sur nous, sans consulter Votre Majesté, d’accorder cette requête ; et cela, pour beaucoup de raisons très-pressantes. — Comment ! reprit le roi, le comte de Crawford ? C’est un bien jeune conseiller dans une si grave affaire. — Malgré sa jeunesse, reprit Albany, il est si considéré parmi ses voisins les Highlanders, que je n’aurais rien pu auprès d’eux sans son aide et le secours de son influence. — L’entendez-vous, jeune Rothsay ? » dit le roi à son fils d’un ton de reproche.

« Je plains Crawford, Sire, répondit le prince ; il a perdu trop tôt un père dont les conseils auraient mieux convenu à une époque comme celle-ci. »

Le roi tourna la tête vers Albany, d’un air charmé de l’affection filiale qui éclatait dans cette réponse.

Albany reprit sans se déconcerter : « Ce n’est pas la vie de ces Highlanders, c’est leur mort qui est à souhaiter pour le bien du royaume d’Écosse ; et il a paru très-désirable au comte de Crawford et à moi que ce combat fût un combat d’extermination. — Juste ciel ! s’écria le prince ; si telle est la politique du jeune Lindsay, ce sera un homme d’État plein d’humanité dans dix ou douze ans d’ici ! C’est un jeune homme qui a le cœur endurci avant d’avoir du poil au menton ! Il eût mieux fait d’assister aux