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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/277

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de Bonthron. — Ce sera une difficile épreuve pour ton art, suppôt de la médecine. Car, sache que si notre champion est vaincu, mais qu’il ne soit pas tué dans le combat, il sera tiré hors de la lice par les talons, et, sans plus de cérémonie, pendu au gibet, comme convaincu de meurtre ; et quand il y sera resté une heure ou deux, comme un gland de soie, je doute que tu veuilles te charger de guérir son cou disloqué. — Je pense autrement, sous le bon plaisir de Votre Honneur, répondit humblement Dwining ; je le transporterai du pied de la potence dans le pays de la féerie, comme le roi Arthur, sir Huon de Bordeaux ou Ogier le Danois, ou bien, si c’est mon plaisir, je le laisserai gigoter à la potence un certain nombre de minutes ou d’heures, et je le déroberai à la vue de tout le monde, aussi facilement que le vent emporte les feuilles desséchées. — Voilà des fanfaronnades ridicules, sir apothicaire, répliqua Ramorny ; toute la populace de Perth le suivra à la potence, ils seront tous plus curieux les uns que les autres de voir le partisan d’un gentilhomme mis à mort pour le meurtre d’un citoyen. Un millier de ces gens-là se pressera autour de la potence. — Et quand ils seraient dix mille, répondit Dwining, ne pourrais-je, moi qui suis versé dans les sciences, qui ai étudié en Espagne et en Arabie même, tromper les yeux d’un troupeau de citoyens ignares, quand le plus mince jongleur qui se soit jamais exercé au tour de main trompe l’observation attentive de vous autres très-clairvoyants chevaliers ? Je vous dis que je leur donnerai le change comme si je possédais l’anneau de Reddie[1]. — Si tu dis la vérité, et je pense que tu n oserais pas plaisanter avec moi sur un tel sujet, il faut que tu aies l’assistance de Satan, et je ne veux rien avoir à démêler avec lui : je le désavoue et je le défie. »

Dwining s’abandonna à son rire étouffé en entendant son patron protester de sa haine contre l’esprit malin, et lorsqu’il le vit en même temps faire le signe de la croix ; mais il reprit son sérieux en remarquant que la figure de Ramorny se rembrunissait, et il ajouta avec un air à moitié grave, quoiqu’il fît ses efforts pour comprimer son humeur joyeuse : « Le compérage, très-dévôt seigneur, le compérage est l’âme de la sorcellerie ; mais, eh… eh… eh !… je n’ai pas l’honneur d’être, eh !… eh !… un allié du personnage dont vous parlez, à l’existence duquel, eh !… eh !… je ne crois pas bien fermement, quoique sans aucun doute

  1. Talisman, semblable à celui de Gygès. a. m.