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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/276

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donne, toi-même, tu prêcheras le pardon des injures !… Mais pensons à demain… Penses-tu, Henbane Dwining, qu’il soit vrai que les blessures de ce corps sans vie s’ouvriront et verseront du sang, à l’approche du meurtrier ? — Je ne puis en parler, milord, que d’après la tradition qui garantit le fait. — Cette brute de Bonthron s’effraye à l’idée d’un tel prodige ; il dit qu’il aimerait mieux s’exposer à l’épreuve du combat, qu’en penses-tu ?… C’est un homme qui sait manier le fer. — C’est le métier de l’armurier, de manier le fer, » répliqua Dwining.

« Si Bonthron périssait dans ce combat, je ne le regretterais guère, quoique j’y perdisse une main utile. — Je crois fort que Votre Honneur la regretterait moins que celle qu’elle a perdue hier… Excusez cette plaisanterie, hé… hé… hé ! Mais quelles sont donc les qualités si utiles de ce Bonthron ? — Celles d’un bouledogue, il déchire sans aboyer. — Vous ne craignez pas une confession de sa part ? — Qui peut dire ce que peut la crainte d’une mort prochaine, répliqua le malade ; il a déjà montré une pusillanimité tout à fait étrangère à la dureté habituelle de son caractère ; lui, qui aurait à peine lavé ses mains après avoir égorgé un homme, craint de voir un corps mort saigner. — Eh bien ! je ferai quelque chose pour lui, si je peux, puisque ce fut pour servir ma vengeance qu’il frappa ce coup malencontreux, bien qu’il ne soit pas tombé où il était destiné. — Et à qui la faute, misérable lâche, si ce n’est à toi, qui désigna un daim chétif à la place d’un cerf dix cors. — Que le ciel vous bénisse, noble sire ! Voudriez-vous que moi qui ne m’entends guère qu’au service de la chambre, je fusse aussi habile dans l’art de la vénerie que Votre Seigneurie elle-même, et que je distinguasse un lapin d’un chevreau dans l’obscurité ? J’eus quelque doute quand je vis le fantôme passer auprès de nous, se dirigeant vers la demeure de Smith, dans le Wynd, habillé comme un danseur mauresque ; je me demandai si c’était bien notre homme, car il me semblait un peu plus petit de stature. Mais quand il ressortit, après autant de temps qu’il en faut pour changer d’habit, et qu’il s’avança en justaucorps de buffle et le bonnet d’acier en tête, sifflant, selon la coutume de l’armurier, j’avoue que j’y fus trompé et que je lâchai sur lui le boule-dogue, qui fit son devoir bravement, quoiqu’il ait abattu un gibier pour l’autre. Aussi, à moins que ce maudit Smith n’étende notre pauvre ami roide mort sur la place, je suis déterminé, si l’art en est capable, à tirer d’affaire ce chien