Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/288

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La grand’messe ayant été célébrée, et après qu’on eut récité une invocation solennelle à Dieu pour qu’il lui plût de protéger l’innocent et de punir le coupable, Éviot, page de sir John Ramorny, fut appelé pour soutenir l’épreuve. Il s’avança d’un pas mal assuré : peut-être pensait-il que sa conviction intérieure que Bonthron était l’assassin suffisait pour l’en rendre complice, quoiqu’il n’y eût pas directement pris part. Il s’arrêta devant la bière ; sa voix trembla quand il fit serment par tout ce qui a été créé en sept jours et sept nuits, par le ciel, par l’enfer, par sa part dans le paradis, par Dieu, auteur de toutes choses, qu’il était pur et innocent de l’attentat sanguinaire commis sur le corps qui était placé devant lui, sur la poitrine duquel il fit le signe de la croix pour certifier la vérité de sa déclaration. Nul prodige ne s’opéra : le corps resta immobile comme auparavant ; le sang caillé dans la blessure ne coula pas.

Les citoyens se regardèrent l’un l’autre d’un air de morne désappointement. Ils s’étaient persuadés qu’Éviot était le coupable, et l’irrésolution de ses manières avait confirmé leur soupçon : leur surprise fut donc extrême quand ils le virent sortir pur de l’épreuve. Les autres partisans de Ramorny prirent courage et s’avancèrent pour prêter serment, avec une assurance qui augmentait à mesure que l’un après l’autre ils étaient déclarés, par la voix des juges, libres et déchargés des soupçons qui avaient plané sur eux relativement à la mort d’Olivier Proudfute.

Mais il y avait un individu qui ne partageait pas cette confiance croissante. Le nom « Bonthron… Bonthron, » résonna trois fois dans les nefs de l’église ; et celui qui le portait ne répondit à cet appel que par une sorte de mouvement convulsif des pieds, comme s’il eût été soudainement frappé d’une attaque de paralysie. — Parle donc, chien, » lui dit Éviot à voix basse, « ou prépare-toi à mourir comme un chien. »

Mais l’esprit du meurtrier était si troublé par le spectacle qu’il avait sous les yeux, que les juges, considérant sa contenance, hésitaient s’ils ordonneraient qu’on l’entraînât de force devant la la bière, ou s’ils prononceraient le jugement par défaut. Ce ne fut que quand on lui demanda pour la dernière fois s’il voulait se soumettre à l’épreuve, qu’il répondit avec sa brièveté accoutumée.

« Je ne veux pas… Est-ce que je sais quelle jonglerie on peut pratiquer pour faire périr un pauvre homme. J’offre le combat à