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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/292

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« Misérable ! » s’écria le duc de Rothsay étonné, « oses-tu faire entendre que c’est moi qui fus ton instigateur ? — Vous-même, » répondit le brigand endurci.

« Meurs dans ton mensonge, esclave maudit, » dit le prince ; et tirant son épée, il en aurait percé le calomniateur si le lord grand connétable ne se fût interposé.

« Votre Grâce doit me pardonner si j’accomplis ma charge. Ce scélérat doit être remis entre les mains du bourreau, il est indigne de recevoir la mort d’aucun autre, et à plus forte raison de Votre Altesse. — Quoi ! noble comte, » s’écria Albany avec une émotion très-vive, qu’elle fût véritable ou affectée, « voulez-vous laisser ce coquin sortir d’ici vivant, pour qu’il empoisonne les oreilles du peuple de calomnieuses accusations contre le prince d’Écosse ?… Coupez-le en pièces, vous dis-je, et sur la place même ! — Votre Altesse me pardonnera, dit le comte d’Errol, je dois le protéger jusqu’à ce que sa sentence soit exécutée. — Alors qu’on le bâillonne sur-le-champ, dit Albany… Et vous, mon royal neveu, pourquoi demeurez-vous immobile d’étonnement ? Rappelez votre présence d’esprit… parlez au prisonnier… jurez… protestez, par tout ce qu’il y a de sacré, que vous n’aviez aucune connaissance de cet abominable attentat. Voyez le peuple ; on se regarde l’un l’autre, on chuchote à voix basse ! Sur ma vie ! ce mensonge se répandra plus vite que si c’était une vérité de l’Évangile… Parlez-leur, mon noble parent ; n’importe ce que vous direz, pourvu que vous niiez formellement. — Comment, monsieur, » dit Rothsay, sortant de son attitude de surprise et de confusion, et regardant son oncle avec hauteur, « voudriez-vous que j’engageasse ma royale parole contre celle de cet abject mécréant ? Que ceux qui peuvent croire le fils de leur souverain, le descendant de Bruce, capable de tendre une embûche pour assassiner un pauvre artisan, jouissent du plaisir de croire que ce scélérat a dit la vérité ! — Ce n’est pas moi au moins qui le croirai, » dit hardiment l’armurier ; « je n’ai jamais rien fait à Sa Grâce le duc de Rothsay qui n’eût pour but de l’honorer ; jamais je n’ai reçu de lui de mauvais traitements en paroles, ou en actions, et je ne puis penser qu’il eût autorisé une si basse trahison. — Était-ce pour l’honorer que vous avez jeté son altesse du haut d’une échelle dans Curfew-Street, le soir du mardi gras, dit Bonthron, et pensez-vous que cette faveur fût reçue avec grande reconnaissance ? »