Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/380

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Marjory ! Tu n’as pas beaucoup de personnes du sexe dans ton château, je présume, Ramorny ? — Ma foi, sauf la chanteuse, il n’y a qu’une ou deux servantes dont nous ne pouvons nous dispenser. La chanteuse, du reste, demande avec inquiétude la dame au service de laquelle Votre Altesse a promis de la placer ; la renverrai-je, afin qu’elle cherche la duchesse à son aise ? — Point du tout ; Louise servira à amuser Catherine… Eh ! mais, écoute un peu : ne serait-il pas bien de recevoir cette charmante sainte avec une espèce de mascarade ? — Que voulez-vous dire, milord ? — Tu as la tête bien dure ; elle n’éprouvera point de désappointement, puisqu’elle espère trouver ici la duchesse de Rothsay… Je serai en même temps le duc et la duchesse. — Je ne comprends pas encore. — Personne n’est bête comme un homme d’esprit, dit le prince, quand il ne tombe pas tout d’abord sur la piste. La duchesse a mis autant de hâte à partir de Falkland que moi à y venir. Nous avons tous les deux laissé nos bagages derrière nous. Il y a ici dans la garde-robe, attenant à ma chambre à coucher, assez d’habits de femmes pour équiper tout un carnaval. Vois-tu, je jouerai le rôle de dame Marjory, couché sur le lit avec un voile de deuil et une guirlande de saule pour indiquer l’oubli de mon époux. Toi, John, tu auras l’air assez roide et empesé pour représenter sa dame d’honneur du Galloway, la comtesse Hermigild, et Dwining fera la vieille Hécate, sa nourrice ; seulement elle a plus de barbe sur la lèvre supérieure que Dwining n’en a sur toute la figure et même sur le crâne. Il prendra une barbe pour jouer son rôle convenablement. Prends tes servantes et les pages un peu passables que tu peux avoir ici pour faire mes femmes de chambre. Comprends-tu ? À l’œuvre sur-le-champ. »

Ramorny entra promptement dans l’antichambre et raconta à Dwining le dessein du prince.

« Vois à satisfaire les idées de ce fou, ajouta-t-il ; je ne me soucie guère de le voir, sachant ce qui va lui arriver. — Reposez-vous sur moi, » dit le médecin en haussant les épaules. « Quelle sorte de bouclier que celui qui peut égorger l’agneau, et n’ose l’entendre bêler ? — Ne crains pas que je faiblisse… Je ne peux oublier qu’il m’eût enfermé dans un cloître avec aussi peu de ménagement qu’il jetterait le tronçon d’une lance brisée. Va donc… mais attends un moment : avant de disposer cette cérémonie de carnaval, il faut trouver quelque moyen pour tromper ce cerveau