Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/427

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coups on peut frapper avec l’un sans qu’il casse, ou parer avec l’autre sans qu’elle se brise. »

Cependant le bruit avait couru parmi la populace, et de là passé dans la ville, que l’intrépide Smith allait se battre sans armure : au moment même où l’heure fatale approchait, la voix perçante d’une femme fut entendue demandant passage au travers de la foule. La multitude fit place à son importunité, et elle s’avança, essoufflée de sa course, chargée d’un haubert en mailles et d’une large épée à deux mains. On reconnut bientôt la veuve d’Olivier Proudfute ; les armes qu’elle portait étaient celles de l’armurier même, qui, endossées par son mari le soir fatal où il avait été assassiné, avaient été naturellement déposées chez lui avec le cadavre ; la veuve reconnaissante les apportait dans la lice en un moment où des armes si éprouvées étaient de la dernière importance pour leur propriétaire. Henri reçut avec joie son armure qu’il connaissait bien, et la veuve, toute tremblante encore de sa course, l’aida à s’en revêtir, et prit congé de lui en disant : « Dieu protège le champion de l’orphelin, et malheur à tous ceux qui l’attaqueront ! »

Rassuré tout à fait en se sentant dans son armure à toute épreuve, Henri se secoua comme pour se mettre à l’aise dans sa cotte d’acier, et dégainant son épée à deux mains, il la fit tourner au-dessus de sa tête, coupant, en forme de huit, l’air au milieu duquel elle sifflait, et montrant ainsi avec quelle vigueur et quelle adresse il pouvait manier une arme aussi lourde. Les champions reçurent alors ordre de faire le tour de la lice, traversant de manière à ne point se rencontrer les uns les autres, et s’inclinant en signe d’honneur, à mesure qu’ils passaient sous le berceau doré où le roi était assis.

Tandis que cette évolution s’exécutait, la plupart des spectateurs s’occupaient encore à comparer attentivement la taille, les membres, les muscles des rivaux, et s’efforçaient de former une conjecture sur l’issue du combat. Une haine de cent ans avec tous ses actes d’agression et de représailles était concentrée dans le sein de chaque combattant ; leurs physionomies portaient la plus sauvage expression d’orgueil, de ressentiment, et de la résolution désespérée de combattre jusqu’à la mort.

Les spectateurs les applaudirent par un joyeux murmure, tous palpitants de l’attente du sanglant spectacle. Des gageures furent ouvertes et remplies sur l’issue générale de la bataille et sur les