Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/432

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de sa tribu, bien moins encore son chef et son fils nourricier, manquât de valeur personnelle. S’il avait pu l’imaginer, son chagrin et sa fureur l’auraient entraîné peut-être à arracher la vie à Éachin, pour sauver une tache à son honneur. Mais son esprit rejeta l’idée que son nourrisson pût être physiquement un lâche, comme une chose monstrueuse et surnaturelle ; qu’il fut soumis à l’influence d’un enchantement, c’était l’explication que la superstition lui avait suggérée, et il demanda alors à Hector avec inquiétude, mais à voix basse : « Le charme agit-il maintenant, Éachin ? — Oui ! infortuné que je suis, » répondit le malheureux jeune homme ; « et voilà devant moi le barbare enchanteur ! — Quoi ! s’écria Torquil ; et vous portez une armure de sa fabrique ?… Norman, misérable enfant ! pourquoi avoir apporté cette maudite cotte de mailles ? — Si ma flèche s’est détournée une première fois, je puis encore donner ma vie, répliqua Norman nan Ord ; restez ferme ; vous en verrez briser le charme. — Oui, restons fermes, dit Torquil ; il peut être un barbare enchanteur ; mais mon oreille a ouï dire, et ma langue a dit, qu’Éachin sortirait de ce combat, vivant, libre et sans blessure…. Voyons si le sorcier saxon peut faire que j’aie menti. Il peut être vigoureux, mais la belle forêt de chêne tombera, rameaux et troncs, avant qu’il mette un doigt sur mon nourrisson. Entourez-le, mes fils : « Bas air son Éachin. »

Les fils de Torquil répétèrent à haute voix ces mots, qui signifient : « Mourons pour Hector. »

Encouragé par leur dévouement, Éachin reprit courage, et cria hardiment aux musiciens de son clan : « Seid suas, » c’est-à-dire : « Sonnez la charge ! »

Le pibrock sauvage sonna de nouveau l’attaque ; mais les deux partis s’approchaient plus lentement que la première fois, et comme des hommes qui connaissent et respectent leur valeur mutuelle. Henri du Wynd, dans son impatience de commencer l’action, s’avança devant le clan Chattan, et fit signe à Éachin de s’avancer aussi ; mais Norman s’élança pour défendre son frère de lait. Et il y eut alors une halte générale, mais momentanée, comme si les deux troupes eussent voulu tirer un présage pour le résultat de la journée de l’issue de ce duel. Le montagnard s’approcha avec son large glaive levé, comme prêt à frapper, mais, au moment où il arriva à portée de décharger son coup, il lâcha cette arme longue et embarrassante, sauta légèrement par-dessus