Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/69

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ceau, mais l’effort qu’il fit pour avaler parut si douloureux qu’il ne le répéta point.

« Vous avez un mauvais appétit pour le matin de la Saint-Valentin, » dit le maître d’un ton jovial ; « et pourtant il me semble que vous avez parfaitement dormi la nuit dernière, puisque je dois croire que le bruit de la bataille ne vous a point éveillé. Ma foi, je pensais qu’un brave Glune-Amie eût été aux côtés de son maître, le poignard à la main, au premier signal d’un danger. — Je n’ai entendu qu’un bruit confus, » dit le jeune homme, tandis que sa figure rougissait tout à coup comme un charbon ardent, « et je l’ai pris pour le tapage de quelques joyeux riboteurs ; d’ailleurs vous me recommandez toujours de n’ouvrir ni portes ni fenêtres, de ne pas alarmer la maison à propos de pareilles folies. — Bien, bien ! reprit Simon ; je pensais qu’un montagnard aurait mieux reconnu la différence qu’il y a entre le cliquetis des sabres et le retentissement des harpes, entre un terrible cri de guerre et de joyeuses acclamations. Mais passons, jeune homme ; je suis content que tu perdes tes habitudes querelleuses. Finis ton déjeuner pourtant, car j’ai à te donner de l’ouvrage qui presse. — J’ai déjà déjeuné, et je suis pressé moi-même. Je pars pour les montagnes. N’avez-vous pas de commissions pour mon père ? — Aucune, » répondit le gantier un peu surpris. « Mais es-tu devenu fou, mon garçon ? ou quelle vengeance te pousse à quitter la ville, comme l’aile du tourbillon ? — L’ordre de partir m’est arrivé soudain, » dit Conachar parlant avec quelque difficulté ; mais était-ce l’hésitation inséparable de l’usage d’une langue étrangère[1] ou quelque autre cause ? il n’était pas aisé de le dire… « Il doit y avoir une partie… Une grande chasse… » Ici il s’arrêta. « Et quand reviendrez-vous de cette bienheureuse chasse ? lui demanda son maître, si je puis toutefois me permettre de vous faire une telle demande. — Je ne puis répondre au juste, repartit l’apprenti. Peut-être jamais… Si tel est le plaisir de mon père. » répliqua Conachar avec une indifférence affectée.

« Je croyais, » dit Simon Glover assez sérieusement, « qu’on était convenu de laisser tout cela de côté lorsque, cédant à de vives instances, je vous reçus sous mon toit. Je croyais, quand j’entrepris, et c’est une pénible tâche, de vous apprendre un honnête métier, que vous ne deviez plus entendre parler de chasse,

  1. Les montagnards d’Écosse parlent encore entre eux le gaélique, idiome très-ancien. a. m.