Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/76

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lamentable, que Catherine put à peine s’empêcher de rire ; cependant elle l’assura que le danger de sa vie et de celle des autres hommes ne devait pas un seul instant être mis en balance avec de telles niaiseries. — Oui ; » répliqua Henri, encouragé par son sourire, « mais il me semble que la bonne cause de la paix serait beaucoup plus puissante si elle avait un avocat. Supposez, par exemple, qu’au moment où je suis pressé de tirer ma lame, j’aie quelque motif pour penser qu’il y a dans ma maison un bel ange gardien, dont l’image semblerait murmurer à mon oreille : « Henri, pas de violence, c’est ma main que vous rougiriez de sang : Henri, ne vous exposez pas follement au péril, c’est ma poitrine que vous présentez au fer ennemi ; de telles pensées feraient plus pour me retenir, que si tous les moines de Perth me criaient : « Retiens ta main, sous peine de la cloche, du missel et du cierge. » — Si un avertissement, tel que le donnerait une sœur, peut avoir quelque influence sur vous, soyez sûr, Henri, qu’en frappant, vous souillez cette main de sang ; qu’en recevant des blessures vous percez ce cœur. »

Smith fut encouragé par le ton sincèrement affectueux dont ces paroles furent prononcées.

« Et pourquoi ne pas étendre votre crédit au delà de ces froides limites ? dit-il ; pourquoi, si vous êtes assez bonne et généreuse pour prendre quelque intérêt au pauvre pécheur qui est devant vous, ne l’adopteriez-vous pas aussi bien comme disciple et comme mari ? Votre père le souhaite ; chacun s’y attend ; gantiers et forgerons s’apprêtent à s’amuser ; et vous, vous seule, dont les paroles sont si aimables et si douces, vous ne voulez pas donner votre consentement ! — Henri, » dit Catherine d’une voix basse et tremblante, « croyez que je regarderais comme mon devoir d’obéir aux ordres de mon père, s’il n’y avait pas d’invincibles obstacles à ce mariage. — Songez-y encore… encore un moment. J’ai peu de titres à faire valoir, moi, en comparaison de vous, qui savez aussi bien lire qu’écrire ; mais j’aime à entendre lire, et j’écouterais votre douce voix sans jamais m’en lasser. Vous aimez la musique, et je sais jouer des instruments et chanter même presque aussi bien que certains ménestrels. Vous aimez à être charitable, je puis donner beaucoup, et avoir beaucoup encore ; je pourrais faire chaque jour des aumônes aussi abondantes que celles d’un diacre, sans qu’il m’en coûtât guère. Votre père se fait vieux pour vaquer à son travail journalier, il vivrait avec