Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/77

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nous, et je le respecterais vraiment comme mon propre père. Je serais aussi attentif à ne point m’engager sans motif dans de sottes querelles, qu’à ne point jeter ma main dans un fourneau. Et si on usait contre nous de quelque infâme violence, l’auteur sentirait qu’il a mal choisi le marché pour y apporter sa marchandise. — Puissiez-vous éprouver toutes les jouissances domestiques que vous savez si bien imaginer, Henri, mais avec quelque autre femme plus heureuse que moi. »

Ainsi parla, ou plutôt sanglota la Jolie Fille de Perth, qui semblait étouffer en s’efforçant de retenir ses larmes. — Vous me haïssez donc ? » dit l’amant, après un instant de silence.

« Non ! le ciel m’en est témoin ! — Ou vous aimez quelqu’un davantage ? — Il est cruel à vous de demander une chose qu’il ne vous importe pas de savoir ; mais vous êtes dans une profonde erreur. — Ce chat sauvage, Conachar, peut-être ? j’ai remarqué de lui certains regards. — Vous profitez de cette pénible situation pour m’insulter, Henri, quoique je l’aie peu mérité. Conachar n’est rien pour moi ; seulement, comme j’ai tenté d’apprivoiser son esprit sauvage par l’instruction, j’ai pu m’intéresser un peu à une créature abandonnée aux préjugés et aux passions, et qui par conséquent, Henri, vous ressemble assez. — Ce doit être alors un de ces pimpants vers à soie, de ces beaux sires de la cour, » dit l’armurier, dont le désappointement et le dépit allumaient la violence naturelle ; « quelqu’un de ceux qui pensent devoir tout emporter, grâce à la hauteur de leurs bonnets à panache, et au retentissement de leurs éperons. Je voudrais bien connaître le galant qui, délaissant ses compagnes naturelles, ses dames fardées et parfumées de la cour, vient prendre sa proie parmi les simples filles des bourgeois artisans. Je voudrais connaître son nom et son surnom ! — Henri Smith, » dit Catherine triomphant de la faiblesse qui semblait menacer, une minute auparavant, de l’accabler. « Vous tenez là le langage d’un ingrat, d’un insensé, ou plutôt d’un fou frénétique. Je vous l’ai déjà dit, au commencement de cet entretien, personne n’était plus haut dans mon opinion que celui qui perd à présent du terrain à chaque mot qu’il prononce sur le ton d’un soupçon injuste et d’une colère sans raison. Vous n’avez aucun titre à savoir même ce que je vous ai dit ; cette faveur, je vous prie de le remarquer, n’implique pas que je vous préfère à d’autres, quoiqu’elle montre que je n’en préfère pas d’autres à vous. Il