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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/123

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en ces termes à son guide : « Écoute-moi, l’ami à la noire figure, ces grandes idoles fantasques, celles-ci avec des têtes de chiens, celles-là avec des têtes de vaches, les autres sans aucune tête, ne sont pas en grande vénération dans l’estime du peuple. Ta propre couleur aussi, mon camarade, approche beaucoup trop de celle de Satan lui-même pour faire de toi un compagnon avec lequel on puisse s’exposer au milieu de ces ruines où l’esprit malin fait, dit-on, chaque jour sa ronde. Minuit et midi sont les heures où il fait son apparition. Je n’irai pas plus loin avec toi, à moins que tu ne me donnes une bonne raison de le faire. — En me faisant une objection si puérile, dit le nègre, vous m’ôtez en effet tout désir de vous guider près de mon maître. Je croyais parler à un homme plein d’un courage indomptable, et de ce bon sens sur lequel le courage est le mieux fondé ; mais votre valeur vous enhardit seulement à battre un esclave noir qui n’a ni la force ni le droit de vous résister, et votre courage n’est pas assez grand pour vous donner la force de regarder sans trembler le côté sombre d’une muraille, même lorsque le soleil est au dessus de l’horizon. — Tu es insolent, « dit Hereward levant sa hache d’armes.

« Et toi, tu es fou, reprit le nègre, de vouloir prouver ta bravoure et ton bon sens par une action qui doit faire douter de tous les deux. J’ai déjà dit qu’il y a peu de courage à battre un malheureux comme moi, et assurément aucun homme désirant trouver son chemin, ne commencerait par chasser son guide. — Je te suis, » dit Hereward, piqué au vif par cette insinuation de lâcheté ; « mais si tu me conduis dans un piège, tes discours hardis ne sauveront pas tes os, quand même un millier d’individus de ta couleur, venus de la terre ou de l’enfer, se présenteraient pour te défendre. — Tu me reproches durement la couleur de mon teint, répliqua le nègre ; comment sais-tu si c’est une chose que l’on puisse considérer comme une réalité ? Tes yeux t’apprennent tous les jours que la couleur des cieux passe pendant la nuit d’une teinte brillante à l’obscurité du noir, cependant tu sais que cela ne tient nullement à aucune couleur habituelle des cieux eux-mêmes. Un changement semblable à celui qui a lieu dans la teinte des cieux se manifeste dans les flots de la mer profonde. Comment peux-tu dire si la différence de ma couleur avec la tienne n’est pas due à quelque déception de la même nature, n’étant point réelle en elle-même, mais produisant une réalité apparente ? — Tu peux t’être peint sans aucun doute, » répondit le Varangien après un moment de ré-