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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/124

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flexion, « et la noirceur de ton teint, en conséquence, peut n’être qu’apparente ; mais je pense que ton ami Satan lui-même aurait eu de la peine à imiter ces lèvres épaisses et relevées avec ces dents blanches et ce nez plat, si cet ensemble, qu’ils appellent une physionomie nubienne, n’existait réellement pas ; et pour t’épargner quelque peine, mon noir ami, je te dirai que, quoique je sois un Varangien sans éducation, je ne suis pas tout-à-fait ignorant dans l’art des Grecs, de faire passer auprès des auditeurs des paroles subtiles pour des raisons. — Vraiment ? » dit le nègre d’un air de doute et un peu surpris ; « et est-ce que l’esclave Diogène (car c’est ainsi que mon maître m’a baptisé) pourrait se permettre de vous demander les moyens par lesquels vous avez acquis une connaissance si étrange ? — Ce sera bientôt dit, répliqua Hereward. Mon compatriote Witikind, qui était constable dans notre corps, se retira du service, et passa le reste d’une longue vie dans cette ville de Constantinople. N’ayant plus les occupations de la vie militaire, ni les fatigues réelles, ni les embarras et la pompe des exercices et des parades, le pauvre vieillard, ne sachant à quoi passer son temps, suivit les leçons des philosophes. — Et qu’y apprit-il ? car un barbare blanchi sous le casque ne devait pas faire, je pense, un étudiant de grande espérance. — Autant cependant, je pense, qu’un vil esclave, ce qui me paraît être ta condition. Mais j’ai appris de lui que les maîtres de cette science futile font métier de substituer dans l’argumentation des mots à la place des idées, et que, comme ils ne s’entendent jamais sur le sens précis des mots, leurs disputes ne peuvent jamais arriver à une conclusion satisfaisante et définitive, puisqu’ils ne s’accordent pas sur le langage qu’ils emploient. Leurs théories, comme ils les appellent, sont bâties sur le sable, et le vent et la marée doivent les renverser. — Parle ainsi à mon maître, » répondit le noir d’un ton sérieux.

« C’est ce que je ferai, et il verra que si je suis un soldat ignorant, n’ayant que peu d’idées, lesquelles ne roulent que sur ma religion et mes devoirs militaires, malgré cela, on ne me débusquera pas de mes opinions par une batterie de sophismes ; jamais on ne me portera à y renoncer par les artifices et les terreurs mis en œuvre par les amis du paganisme, soit en ce monde, soit dans l’autre. — Vous pouvez lui dire vous-même ce que vous pensez, » dit Diogène. Il se rangea de côté comme pour faire place au Varangien, et lui fit signe d’avancer.

Hereward suivit en conséquence un sentier à moitié effacé et