Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/13

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remboursant une forte somme d’argent que j’avais avancée en diverses occasions à feu Pierre Pattison, et entre autres pour acheter une petite rente viagère à sa vieille mère. Ces avances, avec les frais des funérailles et d’autres dépenses, se montaient à une somme considérable, que ma partie adverse, plus chargée de science que d’écus, pouvait difficilement rembourser. Ledit Paul Pattison prêta donc l’oreille à une suggestion que je laissai tomber comme sans intention au milieu de ce débat. C’était que, s’il se croyait capable de remplir la place de son frère en mettant l’ouvrage en état d’être livré à l’impression, je lui offrirais avec plaisir la table et le logement chez moi tant que durerait cette besogne, lui demandant seulement de m’aider quelquefois à faire la classe aux élèves les plus avancés. Cette proposition parut devoir terminer notre différend d’une manière satisfaisante pour toutes les parties ; et le premier acte de Paul fut de tirer sur moi pour une somme ronde, sous prétexte que sa garde-robe avait besoin d’être complètement renouvelée. Je ne fis aucune objection à cette exigence, quoique je visse une grande vanité à vouloir acheter des vêtements dans la dernière mode, lorsque non seulement une grande partie de ceux du défunt pouvaient encore fort bien lui servir pendant une année, mais encore lorsque je pouvais mettre à la disposition de M. Pattison ceux d’entre mes vieux habits qui seraient à sa convenance, ainsi que je l’avais toujours fait avec feu son frère ; car je venais justement de me donner un habillement complet de drap noir.

L’école, il faut le dire, allait assez bien. Mon jeune homme était très entendu, et déployait tant d’activité dans ses fonctions de sous-maître, si je puis le nommer ainsi, qu’il outrepassait la tâche dans laquelle il eût dû se renfermer, et que je commençai à sentir que je n’étais qu’un zéro dans mon établissement. Je me consolai en pensant que la publication avançait aussi rapidement que je pusse le désirer. Sur ce sujet, Paul Pattison, comme le vieux Pistol, « tenait des discours hardis sur le pont, » et cela non seulement à la maison, mais même dans la société de nos voisins qu’il visitait en homme de plaisir, au lieu d’imiter la vie retirée et presque monastique de feu son frère, et avec lesquels il faisait une telle bombance, que bientôt on l’entendit rabaisser le modeste ordinaire que son estomac affamé avait d’abord regardé comme un banquet somptueux ; par là il déplut beaucoup à ma femme qui se vante avec justice de l’abondance, de la propreté et de la salubrité des mets qu’elle offre à ses sous-maîtres et à ses pensionnaires.