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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/205

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même. Le danger était trop imminent, et d’une nature trop horrible, pour lui en permettre aucun qui embrassât une vue plus étendue de son malheur ; toutes réflexions portant sur des objets plus éloignés se trouvèrent étouffées par la pensée dominante d’une mort immédiate. Mais lorsque ses idées s’éclaircirent, la situation de la comtesse s’offrit tout-à-coup à son esprit… quels maux pouvait-elle endurer en ce moment ? Et, tandis qu’il était soumis à une épreuve aussi extraordinaire, à quoi la constitution plus faible et le courage d’une femme étaient-ils réservés ? était-elle encore à quelques pas de lui, comme lorsqu’il s’était couché la veille ; ou les barbares qui avaient préparé une scène si cruelle avaient-ils profité de sa confiance imprudente et de celle de sa femme pour tramer contre elle quelque trahison du même genre, ou encore plus perfide ? Dormait-elle ou était-elle éveillée ? pouvait-elle dormir à portée de cet horrible hurlement, qui ébranlait les murs autour d’eux ? Il se décida à prononcer son nom, pour l’avertir, s’il était possible, de se tenir sur ses gardes, et de se contenter de répondre sans s’aventurer imprudemment dans l’appartement qui contenait un hôte si horriblement dangereux.

Il prononça donc le nom de sa femme, mais d’une voix tremblante, comme s’il eût craint que le féroce animal ne l’entendît.

« Brenhilda ! Brenhilda !… le danger nous menace… éveille-toi, et réponds-moi, mais ne te lève pas. » Point de réponse… « Quel homme suis-je donc devenu, » se dit-il à lui-même, « que j’appelle Brenhilda d’Aspremont comme un enfant appelle sa nourrice endormie, et cela parce qu’il y a un chat sauvage dans la même chambre que moi ? Honte à toi, comte de Paris ! que ton écusson soit lacéré, et que tes éperons soient brisés à tes talons… Hola ! hé ! » cria-t-il tout haut, mais encore d’une voix mal assurée, « Brenhilda, nous sommes attaqués, l’ennemi est près de nous ! réponds-moi, mais ne bouge pas. »

Un long rugissement poussé par le monstre fut la seule réponse. Ce cri semblait dire : « Tu n’as plus d’espérance ! » et il pénétra dans le cœur du chevalier comme l’expression même du désespoir.

« Peut-être, cependant, apporté-je trop de ménagement à faire connaître ma détresse. Holà ! hé ! mon amour ! Brenhilda ! »

Une voix triste et sépulcrale comme celle d’un habitant du tombeau lui répondit comme d’un point éloigné. « Quel est l’infortuné qui croit que les vivants peuvent l’entendre de la demeure des