Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/28

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Non seulement Alexis n’hésita point, au moins en beaucoup d’occasions, à exposer sa personne aux dangers du combat corps à corps qui était conforme à l’usage du temps, mais il possédait même, comme général d’armée, des talents dignes de figurer dans nos temps modernes. Il avait l’art de choisir les meilleures positions militaires, et de couvrir les défaites ; il lui arriva même souvent de faire tourner une bataille douteuse au désavantage de l’ennemi, et de réparer une défaite au grand étonnement de ceux qui croyaient que l’œuvre de la guerre ne peut s’accomplir que sur le champ de bataille.

S’il fut habile dans les évolutions militaires, il le fut bien autrement encore dans les ruses de la politique. Il avait l’art d’atteindre toujours plus loin que le but auquel semblaient tendre ses négociations, et il trouvait toujours le moyen de s’assurer quelque avantage important et durable ; mais souvent ses plans échouèrent par l’inconstance ou la trahison ouverte des Barbares, nom que les Grecs donnaient généralement à toutes les autres nations, et particulièrement à ces tribus errantes dont leur empire était environné.

Nous terminerons cette courte esquisse du caractère de Comnène, en disant que, s’il n’avait pas été appelé à jouer le rôle d’un monarque obligé par la nécessité de se faire craindre, à cause des conspirations de toute espèce auxquelles il fut exposé, même dans l’intérieur de sa propre famille, il aurait probablement été regardé comme un honnête homme et un prince doux et bienfaisant. Une preuve que son cœur n’était point mauvais, c’est qu’il y eut sous son règne beaucoup moins de têtes tranchées et d’yeux crevés que sous ses prédécesseurs, qui employèrent fréquemment ce mode de châtiment pour couper court aux projets ambitieux de leurs concurrents.

Tout ce qu’il reste à dire, c’est qu’Alexis eut l’esprit fortement imbu de toute la superstition de son siècle, erreur à laquelle il ajouta encore une espèce d’hypocrisie constante, dont il ne se départit pas même à son lit de mort. On prétend que sa femme Irène, qui devait connaître le vrai caractère de l’empereur, l’accusa d’avoir conservé jusque dans ses derniers moments la dissimulation dont il avait fait usage toute sa vie. Il prit une part active à toutes les affaires relatives à l’Église et à l’hérésie, pour laquelle il professa ou affecta de professer la plus grande horreur ; et l’on ne voit pas, dans son traité sur les manichéens ou les pauliciens, qu’il ait