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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/37

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de sa figure avait quelque chose de grossier et de commun. C’était Stéphanos, le lutteur, bien connu à la palestre.

« Un moment ! arrêtons-nous ici, » s’écria l’artiste en jetant un regard de surprise et d’admiration sur le dormeur, « laissez-moi le temps, mon ami, de faire l’esquisse de ce jeune Hercule. — Je croyais qu’Hercule était Grec, répondit le lutteur ; l’animal qui dort là est un barbare. »

Il y avait dans le ton dont cette réponse fut faite une aigreur qui indiquait un sentiment de vanité blessée. Le peintre s’empressa de calmer le mécontentement qu’il avait excité étourdiment. Stéphanos, connu sous le surnom de Castor, et célèbre dans tous les exercices gymnastiques, était une espèce de protecteur pour le petit artiste ; et c’était grâce à ce lutteur fameux que les talents de Lysimaque avaient acquis quelque réputation.

« La beauté et la force, reprit l’artiste adroit, sont de tous les pays ; et puisse notre muse divine ne jamais m’accorder ses faveurs, si mon plus grand plaisir n’est pas de comparer ces qualités incultes chez les barbares avec la perfection qu’elles acquièrent chez le favori d’un peuple éclairé, qui sait ajouter à ses dons naturels la mérite des talents gymnastiques, et devenir ainsi un modèle que nous ne retrouverions que dans les œuvres antiques de Phidias et de Praxitèle. — Je conviens que ce Varangien est un assez bel homme, » répliqua l’athlète d’un air plus doux, « mais ce pauvre sauvage n’a peut-être pas eu pendant tout le cours de sa vie une seule goûte d’huile répandue sur le corps ! Hercule institua les jeux isthmiques, et… — Mais que tient-il donc si près de lui sous sa peau d’ours ? serait-ce une massue ? — Allons-nous-en, mon ami, » dit Stéphanos, tandis que tous deux regardaient de plus près le dormeur. « Ne reconnaissez-vous pas l’instrument dont ces barbares se servent pour combattre ? ils ne font pas la guerre avec des sabres ou des lances, comme pour attaquer des hommes de chair ou de sang ; ils se servent de massues et de haches, comme s’il s’agissait de hacher des membres de pin et des nerfs de chêne. Je parierais ma couronne de persil fané qu’il est ici pour arrêter quelque chef distingué qui a offensé le gouvernement ! Autrement il ne serait pas armé d’une manière aussi formidable. Allons-nous-en, mon bon Lysimaque, et respectons le sommeil de l’ours ! »

À ces mots, le champion de la palestre s’éloigna, montrant assez peu de confiance en sa taille et en sa vigueur physique.

Plusieurs autres passants se succédèrent ; mais le nombre en di-