Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/38

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minua à mesure que la nuit approcha et que l’ombre des cyprès s’étendit davantage. Deux femmes de la classe inférieure s’arrêtèrent aussi devant le dormeur.

« Sainte Marie ! s’écria l’une d’elles ; cet homme me rappelle le conte oriental de ce génie qui enleva un jeune et vaillant prince de sa chambre nuptiale et qui le transporta tout endormi à la porte de Damas. Je vais éveiller ce pauvre jeune homme de peur que la rosée du soir lui fasse du mal. — Du mal ! » répéta d’un air rechigné la vieille femme qui accompagnait celle qui venait de parler ; « allez, allez, la rosée ne lui fera pas plus de mal que l’eau froide du Cydnus n’en fait au cygne sauvage. Pauvre jeune homme, en vérité ! Dites plutôt un loup ou un ours, ou mieux encore un Varangien. Savez-vous bien qu’il n’y a pas une matrone modeste qui voudrait échanger une seule parole avec un tel barbare ? Venez, je vous dirai ce que m’a fait un de ces Anglo-Danois.

En parlant ainsi, elle entraîna sa compagne, qui ne la suivit qu’avec répugnance, et qui, tout en écoutant le babil de la vieille, se retournait pour regarder le beau dormeur.

La disparition totale du soleil et presque en même temps celle du crépuscule, clarté douce et tempérée dont on jouit à peine dans les contrées voisines des tropiques, fut pour les gardes de la ville le signal de fermer les battants de la Porte d’Or, à l’exception d’un guichet assuré par un verrou seulement, et qu’on ouvrait pour ceux que les affaires pouvaient retenir tard hors de la ville, et même pour tous ceux qui étaient disposés à payer leur passage d’une petite pièce de monnaie. La présence du Varangien et son insensibilité apparente n’échappèrent point à ceux qui avaient la garde de la porte ; c’était un poste occupé par les troupes grecques ordinaires.

« Par Castor et Pollux ! » dit le centurion (car les Grecs de ce temps juraient encore par les anciennes divinités, bien que leur culte n’existât plus, et ils conservaient aussi les titres militaires sous lesquels les vaillants Romains avaient ébranlé le monde, quoique ces nouveaux Grecs fussent tout-à-fait dégénérés de leurs ancêtres), « par Castor et Pollux ! camarades, nous ne pouvons récolter de l’or à cette porte, d’après ce que nous dit sa légende ; mais ce sera notre faute si nous n’y faisons pas au moins une bonne moisson d’argent ; et quoique l’âge d’or soit le plus ancien et le plus honorable, c’est beaucoup, dans ce siècle dégénéré, lorsqu’on voit briller un métal inférieur. — Nous serions indignes de marcher à la suite du brave centurion Harpax, » répondit l’un des soldats chargés de la garde, et que sa tête rasée, à l’exception d’une seule touffe