Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/378

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Tous deux furent bientôt en garde, et nulle formalité, nulle circonstance ne vint retarder l’action.

Les premiers coups furent portés, et parés avec une grande précaution, et le prince Tancrède et plusieurs autres trouvèrent que de la part de Robert la prudence était plus grande que de coutume ; mais au combat comme à table, l’appétit vient en mangeant. Les passions plus fougueuses commencèrent à s’éveiller avec le cliquetis des armes et par la douleur que causèrent quelques coups formidables portés avec une grande furie de part et d’autre, parés avec beaucoup de peine, et non assez complètement pour empêcher le sang des deux antagonistes de couler. Les Grecs regardaient avec étonnement un combat singulier comme ils en avaient rarement vu, et n’osaient respirer en voyant les coups furieux qu’échangeaient les deux guerriers, coups sous lesquels ils s’attendaient à voir succomber l’un ou l’autre des combattants. Jusqu’alors leur force et leur agilité semblaient assez égales, quoique ceux qui jugeaient plus savamment du combat pensassent que le comte Robert s’abstenait de déployer toute l’adresse militaire par laquelle il s’était rendu célèbre, tandis que l’on convenait généralement qu’il avait abandonné un grand avantage en n’insistant pas, comme il en avait le droit, pour combattre à cheval. D’un autre côté, l’opinion générale était que le brave Varangien n’avait pas profité de deux ou trois occasions que lui avait fournies l’ardeur du comte Robert, qui s’était évidemment courroucé pendant le combat.

Enfin, un accident parut sur le point de décider un combat qui jusqu’alors avait été égal. Le comte Robert fit une feinte, et frappa son antagoniste du côté où il était découvert, avec le coupant de son arme, de sorte que le Varangien chancela, et parut sur le point de tomber à terre. Le son ordinaire produit par les spectateurs à la vue de quelque circonstance pénible, en tirant leur haleine entre leurs dents serrées, se fit entendre, tandis qu’une voix de femme, haute et animée, s’écriait : « Comte Robert de Paris ! n’oublie pas aujourd’hui que tu dois une vie au ciel et à moi ! » Le comte allait porter un second coup, et l’on ne peut dire quel en aurait été l’effet, quand ce cri parvint à son oreille, et sembla lui ôter toute volonté de continuer le combat.

« Je reconnais la dette, » dit-il en baissant sa hache d’armes, et en reculant à deux pas de son adversaire, qui demeura stupéfait d’étonnement, et à peine remis de l’étourdissement que lui avait causé le coup dont il avait failli être renversé. Il baissa aussi sa