Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/40

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quels l’empereur se fait garder. — Et dans cette circonstance, reprit le centurion, ton cerveau fertile ne te suggère-t-il rien qui puisse tourner à notre avantage ? — Si vraiment, répondit Ismaïl ; ils ont une forte paie, quoiqu’ils ne soient que des barbares, et plus que cela encore, des chiens de païens en comparaison de nous autres musulmans et Nazaréens. Ce drôle se sera enivré et n’aura pu retrouver le chemin de sa caserne. Il sera sévèrement puni, à moins que nous ne lui permettions de rentrer ; mais pour obtenir cela de nous, il faut qu’il vide entre nos mains tout ce que contient sa ceinture. — C’est le moins ! c’est le moins ! » répondirent les autres gardes avec empressement, mais en étouffant leurs voix.

« Et c’est là tout le parti que vous croyez pouvoir tirer d’une pareille circonstance ? » demanda Harpax avec dédain. « Non, non, camarades, si cet animal insulaire doit nous échapper, il faut du moins qu’il nous laisse sa toison. Ne voyez-vous pas briller son casque et sa cuirasse ? Cela est d’un argent bien réel, quoiqu’il puisse être un peu mince. Voilà la mine dont je vous parlais tout à l’heure, et qui est prête à enrichir les mains habiles qui sauront l’exploiter. — Mais, » dit avec timidité un jeune Grec enrôlé depuis peu de temps dans ce corps et encore étranger à leurs mœurs et à leurs coutumes, « ce barbare, comme vous l’appelez, n’en est pas moins un soldat de l’empereur, et si nous sommes convaincus de l’avoir dépouillé de son armure, nous serons justement punis de ce délit militaire. — Écoutez ce nouveau Lycurgue arrivé tout exprès pour nous enseigner nos devoirs, reprit le centurion. Apprenez d’abord, jeune homme, que la cohorte métropolitaine ne peut jamais être convaincue d’un délit. Supposez que nous trouvions un barbare, un Varangien en défaut comme ce dormeur ; ou bien un Franc ou quelque autre de ces étrangers dont on ne peut prononcer les noms, et qui nous déshonorent en portant les armes et le costume du vrai soldat romain ; supposez, dis-je, que nous le trouvions rôdant à une heure inopportune, devons-nous, chargés comme nous le sommes de la défense d’un poste si important, laisser passer par la poterne un homme aussi suspect, quand il peut s’agir d’une trahison envers la Porte d’Or et les cœurs d’or qui la gardent, et au risque de voir les uns arrêtés, les autres condamnés à avoir la gorge coupée ? — En ce cas, laissez-le donc en dehors de la porte, répondit le soldat novice, si vous le croyez si dangereux ; quant à moi, je ne le craindrais pas s’il était dépouillé de cette énorme hache à deux tranchants qui brille sous son manteau d’un éclat plus funeste que