Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volontaire et armateur de ces entreprises, après avoir accumulé, en trois occasions différentes, les profits et la réputation de l’affaire je déclinasse aujourd’hui les risques qui peuvent résulter du non succès de ce quatrième et dernier voyage. Non ! j’adresserai plutôt à mes associés à bord du navire commun ce langage qui peint la constance de l’héroïne de Mathew Prior :

Quoi ! n’ai-je donc promis de voguer avec toi
Que sur le sein d’azur d’une mer sans nuage ?
Dois-je quitter la nef et gagner le rivage
Quand les vents déchaînés soufflent partout l’effroi.

Il conviendrait néanmoins aussi peu à mon âge et à mon état de ne pas reconnaître franchement certains défauts que l’on peut justement relever dans ce complément des Contes de mon hôte, dernière production que laissa, évidemment sans l’avoir jamais revue ou corrigée avec soin, feu M. Pierre Pattison ; je veux parler ici de ce même digne jeune homme dont il est si souvent fait mention dans ces essais sous forme d’introduction, et jamais sans payer à son bon sens et à ses talents, je dirai même à son génie, le tribut d’éloges qu’il devait attendre de son collaborateur, de son patron et de son ami. Ces pages, ai-je dit, furent le ultimus labor de mon ingénieux collaborateur ; mais je ne dirai pas, comme le célèbre docteur Pitcairn l’a dit de son héros, ultimus atque optimus. Hélas ! les vertiges même que l’on éprouve en parcourant le chemin de fer de Manchester ne sont pas si dangereux pour les nerfs que l’habitude trop fréquente de se laisser emporter dans ce riant tourbillon du monde idéal ! La propriété qu’a cette atmosphère de rendre l’imagination confuse et le jugement inerte a été remarquée dans tous les siècles, non seulement par les érudits de la terre, mais par l’esprit borné de plusieurs des Ofellus[1] eux-mêmes. La rapidité avec laquelle l’imagination est emportée dans ce travail, lorsque la volonté de l’écrivain devient semblable au tapis du prince Hussein[2] dans le conte oriental, est-elle la source principale du danger ? ou, indépendamment de cette fatigante vélocité, un séjour habituel dans ces domaines de l’imagination est-il aussi peu approprié à l’intelligence de l’homme que la respiration de l’air ra-

  1. Critique du moraliste grossier et sans goût, dont Horace parle dans la satire 2 du livre II : Quæ virtus et quanta, boni, etc.
  2. C’était un tapis magique qui transportait soudainement la personne assise dessus au lieu où elle désirait arriver. Voyez les Mille et une Nuits.