Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/108

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dre son pays, mais n’eut pas la bonne fortune de la plupart de ses ancêtres, de mourir au milieu des combats. La captivité, la maladie, le chagrin que lui causaient les malheurs de son pays lui ont donné la mort dans une prison et sur un sol étranger. »

Là, l’émotion du vieillard devint si vive qu’il fut forcé de s’interrompre, et le chevalier anglais ne put poursuivre son interrogatoire du ton sévère que lui commandait son devoir.

« Vieillard, dit-il, je ne vous demande point ces détails, qui ne peuvent m’être qu’inutiles, aussi bien qu’ils vous sont pénibles à vous-même. Vous ne faites que votre devoir en rendant justice à votre ancien seigneur ; mais vous ne m’avez pas encore expliqué pourquoi j’ai rencontré dans cette ville, et cette nuit même, il n’y a pas une demi-heure, un individu armé, reconnaissable au teint noir des Douglas, qui a poussé leur cri de guerre comme pour insulter à ceux qui les ont vaincus. — On ne peut assurément, répliqua le fossoyeur, exiger de moi que j’explique une pareille aventure : dirais-je que les craintes naturelles des Anglais évoqueront toujours l’ombre des Douglas lorsqu’ils passeront en vue de leurs sépulcres ? Il me semble d’ailleurs que, par une nuit pareille, le plus beau cavalier du monde aurait eu le teint basané de cette famille ; et je ne m’étonnerais pas que leur cri de guerre, qui fut jadis poussé par des milliers de braves, fût sorti par hasard aujourd’hui de la bouche d’un seul champion. — Vous êtes bien hardi, vieillard, repartit le chevalier anglais ; considérez-vous que votre vie est en mon pouvoir, et qu’il peut en certain cas être de mon devoir d’infliger la mort avec des tortures qui font horreur à l’humanité ? »

Le vieillard se leva lentement à la lueur du feu qui flambait de manière à laisser voir ses traits maigris, semblables à ceux que les peintres donnent à saint Antoine du désert ; et montrant du doigt la faible lampe qu’il avait posée sur la table grossière, il s’adressa ainsi à l’homme qui l’interrogeait, avec une apparence de calme absolu, et même avec une sorte de dignité.

« Jeune chevalier d’Angleterre, vous voyez cet ustensile destiné à répandre la lumière sous ces sombres voûtes… il est aussi fragile que peut être toute lampe dont la flamme est produite par l’élément ordinaire renfermé dans un petit vase de fer. Il est sans doute en votre puissance de la mettre hors de service en la brisant et en l’éteignant. Menacez-la d’une telle destruction, sire chevalier ; et voyez si vos menaces inspireront la moindre peur à l’élément ou