Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/158

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ser que, dans le drame qui se préparait, il pût jouer un rôle indigne d’un parfait chevalier, et tenir, quelles que fussent d’ailleurs les circonstances, une conduite peu honorable à l’égard de ses ennemis. Même par rapport à de Walton, elle se sentait tirée d’un embarras difficile. L’idée d’être découverte par le chevalier lui-même sous son déguisement d’homme avait beaucoup tourmenté son esprit ; et il lui semblait qu’elle s’était écartée des devoirs d’une femme en étendant sa bienveillance à son égard au delà des limites imposées à son sexe, démarche qui pouvait lui nuire même aux yeux de l’amant pour qui elle avait tant hasardé.


Le cœur est peu prisé, dit-on,
Quand la victoire est trop subite ;
Et le cœur qui se rend si vite
Bien vite éprouve l’abandon.


D’autre part, être amenée devant lui comme prisonnière, c’était une position également pénible : mais qu’y faire ? Douglas, entre les mains de qui elle était tombée, lui semblait représenter dans cette espèce de drame le dieu dont l’arrivée seule suffit pour tirer les gens d’embarras. Ce ne fut donc pas trop à contre-cœur qu’elle prêta les serments qu’exigeaient ceux au pouvoir de qui elle se trouvait prisonnière, et qu’elle se soumit à se regarder toujours comme captive, quoi qu’il pût arriver. Elle obéit donc strictement aux instructions de ceux qui étaient maîtres de ses mouvements, priant avec ardeur le ciel de faire que des circonstances, en elles-mêmes si contraires, pussent néanmoins amener enfin le salut de son amant et sa propre délivrance.

Suivit un intervalle de repos, durant lequel un léger repas fut servi à lady Augusta, qui était presque épuisée des fatigues de son voyage. Pendant ce temps-là, Douglas et ses partisans causaient ensemble à voix basse, comme ne désirant pas qu’elle les entendît : et de son côté, pour gagner leur bienveillance, s’il était possible, elle tâchait soigneusement de ne pas avoir l’air d’écouter.

Après quelques instants d’entretien, Turnbull, qui paraissait se considérer comme particulièrement chargé de la dame, lui dit d’une voix dure : « Ne craignez rien, milady, on ne vous fera aucun mal ; cependant il faut vous résigner à avoir pendant quelque temps les yeux bandés. »

Elle se laissa faire dans une muette terreur ; et le soldat, après lui avoir enveloppé la tête dans un manteau, ne l’aida point à remonter sur son palefroi, mais lui offrit le bras pour guider ses pas incertains.