Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/162

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que proposait lady de Berkely, et garda quelque temps le silence pendant qu’ils poursuivaient leur route, chacun enfoncé dans ses propres réflexions, qui sans doute portaient sur des objets bien différents. Enfin le son bruyant du cor se fit entendre à peu de distance. « C’est la personne que nous cherchons, dit Turnbull ; je reconnais son cor entre tous ceux qui retentissent dans cette forêt, et mes ordres sont de vous mener vers elle. »

Le sang de la jeune dame circula plus rapidement dans ses veines à l’idée d’être ainsi présentée sans cérémonie au chevalier, en faveur duquel elle avait confessé une téméraire préférence. (Remarquons-le toutefois, une pareille déclaration se trouvait plus conforme aux usages de ces temps où des sentiments exagérés inspiraient souvent des actions d’une générosité extravagante, qu’à ceux de nos jours où toute chose est réputée absurde quand elle n’est pas fondée sur un motif qui se rattache immédiatement à l’intérêt personnel.) Lors donc que Turnbull souffla dans son cor, comme pour répondre au son qu’ils avaient entendu, la dame fut tentée de s’enfuir, cédant à une première impulsion de honte et de crainte. Turnbull s’aperçut de son intention, et la saisit par le bras d’une manière qui n’était rien moins que délicate, en lui disant : « Voyons, noble dame ! comprenez bien que vous jouez aussi un rôle dans la pièce, et que, si vous ne restiez pas en scène, elle se terminerait d’une manière peu satisfaisante pour nous tous, à savoir par un combat à outrance entre votre amant et moi, où l’on verrait qui de nous deux est plus digne de votre attention. — Je serai patiente, » dit Augusta, en pensant que la présence même de cet homme étrange et la violence dont il semblait user envers elle étaient une espèce d’excuse utile à ses scrupules de femme, pour se présenter devant son amant sous un déguisement qu’elle sentait n’être ni extrêmement convenable, ni d’accord avec la dignité de son sexe.

Un instant après que ces pensées eurent traversé son esprit, on entendit le galop d’un cheval qui approchait ; et sir John de Walton, paraissant au milieu des arbres, aperçut sa fiancée, captive, à ce qu’il lui sembla, entre les mains d’un bandit écossais, qui ne lui était connu que par un premier trait d’audace durant la partie de chasse.

La surprise et la joie ne permirent au chevalier que de s’écrier aussitôt : « Coquin ! lâche cette femme ! ou meurs dans tes profanes efforts pour gêner les mouvements d’un être auquel le soleil lui-même, le soleil qui éclaire les cieux, serait fier d’obéir. » En même