Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/173

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quelque chose de juste dans ce que vous dites ; mais vos paroles ne peuvent s’appliquer aux livres ni aux manuscrits que j’ai consultés. Comme une partie des choses qui y sont écrites se sont déjà réalisées, nous sommes complètement autorisés à nous attendre à ce que le reste s’accomplisse de même ; et je n’aurais pas beaucoup de peine à vous montrer dans ce volume des prédictions dont un assez grand nombre se sont déjà vérifiées, pour que nous ayons le droit d’attendre avec certitude la vérification des autres. — Je voudrais bien voir cela, » répondit l’archer qui n’avait guère qu’une foi de soldat quant aux prophéties et aux augures, mais qui cependant ne voulait pas contredire trop directement le ménestrel sur de pareils sujets, attendu qu’il avait été endoctriné par sir John, de manière à se prêter aux caprices du barde. En conséquence celui-ci se mit à réciter des vers dont le plus habile interprète de nos jours ne pourrait pas trouver le sens.


Alors que le coq chante, observez bien sa crête,
Car avec le furet le fin renard le guette,
La corneille au corbeau va-t-elle unir ses cris ;
Les chèvres aux rochers suspendre leurs petits ?
Qu’ils soient ensemble alors : la bataille s’apprête ;
Le vautour affamé s’abat sur chaque tête,
Et du Mid-Lothian les guerriers sont partis…
Le peuple est dépouillé, l’abbaye est brûlée,
Le carnage est le fruit d’une horrible mêlée.
Le pauvre ne dit plus quel est son bienfaiteur,
Le pays est sans loi, et l’amour sans honneur ;
Le mensonge est assis sur le char des années,
La vérité n’est plus, les vertus sont fanées ;
Plus de foi : le cousin dérobe son cousin,
De son père le fils ose percer le sein,
Et le père à son fils, etc., etc., etc.


L’archer écouta ces pronostics mystérieux, dont la lecture n’était pas moins ennuyeuse qu’inintelligible, en faisant tous ses efforts pour ne pas laisser éclater son ennui ; pour ce faire, il allait demander de fréquentes consolations au flacon, afin de supporter de son mieux ce qu’il ne pouvait ni comprendre ni trouver intéressant. Cependant le ménestrel tâchait d’expliquer les prédictions douteuses et imparfaites dont nous avons donné un échantillon suffisant.

« Pourriez-vous souhaiter, » dit-il à Greenleaf, « une description plus exacte des malheurs qui se sont appesantis sur l’Écosse dans ces derniers temps ? Le corbeau et la corneille, le renard et le