Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on nomme pages, et quelques autres gens de cette espèce, qui ne permettront jamais à un homme de dire : « Ceci est à moi, » même au coin de son propre feu. Ne prenez donc pas mauvaise opinion de moi, vieux camarade, si je vous fois un accueil un peu plus froid que vous ne devriez l’attendre d’un ami d’autrefois ; car, par Sainte-Brigitte de Douglas ! il me reste bien peu de chose avec quoi je puisse souhaiter la bienvenue… — Souhaitée avec peu, elle sera aussi bonne, répliqua Bertram. Mon fils, fais ta révérence au vieil ami de ton père. Augustin commence l’apprentissage de mon joyeux métier, mais il aura besoin de quelque exercice avant de pouvoir en supporter les fatigues. Si vous pouvez lui faire donner quelque chose à manger, et lui procurer ensuite un lit où il pourra dormir en repos, nous aurons tous les deux ce qu’il nous faut : vous-même, en effet, quand vous voyagiez avec mon ami Charles, que voilà, je pense, vous vous imaginiez avoir toutes vos aises du moment où rien ne lui manquait. — Oh ! que le diable m’emporte si je recommencerais à présent ! répliqua le fermier écossais ; je ne sais pas de quoi les garçons d’aujourd’hui sont faits… ce n’est pas du même bois que leurs pères assurément… ils ne sont pas nés de la bruyère qui ne craint ni vent ni pluie, mais de quelque plante délicate d’un pays lointain, qui ne poussera que si vous l’élevez sous un verre, et qui porte un germe de mort. Le brave seigneur de Douglas, dont j’ai été le compagnon d’armes[1] (et je puis le prouver), ne désirait pas, du temps qu’il était page, d’être nourri et logé comme il faudrait que le fût aujourd’hui votre ami Charles pour être content. — Voyons, dit Bertram, ce n’est pas que mon Augustin soit délicat, mais, pour d’autres raisons, je vous prierai encore de lui donner un lit, et un lit séparé, car il a été dernièrement malade. — Oui, je comprends, répliqua Dickson, votre fils a un commencement de cette maladie connue en Angleterre sous le nom de mal noir, et dont vos compatriotes meurent si souvent. Nous avons beaucoup entendu parler des ravages qu’elle a exercés dans le sud. Vient-elle par ici ? »

Bertram répondit affirmativement par un signe de tête.

« Eh bien ! la maison de mon père, continua le fermier, a plus d’une chambre, et votre fils en aura une des mieux aérées et des plus commodes. Quant au souper, vous mangerez votre part de celui qu’on a préparé pour vos compatriotes. Puisqu’il faut que j’en nourrisse une vingtaine, ils ne s’opposeront pas à la requête d’un

  1. Henchman, espèce de premier page ou d’officier de confiance. a. m.