Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/194

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et, s’il plaît à Dieu et à sainte Brigitte, je la considère comme mise par mon commandant sous ma responsabilité. Croyez-moi, la mort de ce jeune homme ne sera point oubliée, quoique ce ne soit pas à présent le moment de s’en souvenir. Le temps des souvenirs viendra, et avec ce temps l’heure de la vengeance. »

Ainsi parlait le sombre vieillard, détournant les yeux du corps sanglant qui gisait à ses pieds, modèle de beauté et de force naissante. Après y avoir jeté un dernier et triste regard, il s’éloigna et vint se placer à l’endroit d’où il pouvait le mieux protéger lady de Berkely, sans tourner de nouveau les yeux vers le cadavre de son fils.

Cependant le combat continuait sans le moindre ralentissement de part ni d’autre, mais aussi sans aucun avantage décidé. Enfin, toutefois, le destin parut disposé à se prononcer. Le chevalier de Fleming, poussant en avant, avec furie, et amené par hasard presque à côté de lady Marguerite de Hautlieu, porta un coup à faux, et le pied lui glissant dans le sang du jeune Dickson, il tomba devant son adversaire et fut sur le point de se trouver à sa merci. Mais Marguerite de Hautlieu, qui avait hérité de l’âme d’un guerrier, et qui n’était pas moins vigoureuse qu’intrépide, voyant une hache de médiocre grandeur sur le pavé où l’avait laissée tomber l’infortuné Dickson, la ramassa aussitôt, en arma sa main, et intercepta ou abattit l’épée de sir Aymer de Valence, qui, autrement, serait demeuré maître du terrain à cet instant décisif. Fleming songeait trop à profiter d’un secours si inattendu pour s’arrêter à rechercher d’où il venait ; il regagna aussitôt l’avantage qu’il avait perdu, et réussit dans la suite du combat à donner le croc en jambe à son antagoniste, qui tomba sur le pavé, tandis que la voix de son vainqueur, s’il méritait réellement ce nom, faisait retentir dans l’église ces fatales paroles : « Rends-toi, Aymer de Valence ! Rescousse ou non rescousse !… Rends-toi, rends-toi ! » ajouta-t-il en lui mettant l’épée sur la gorge, « non pas à moi, mais à cette noble dame, rescousse ou non rescousse ! »

Ce fut avec un profond serrement de cœur que le chevalier anglais s’aperçut qu’il avait totalement perdu une occasion si favorable d’acquérir de la renommée, et il fut obligé de se résigner à son sort, ou de se laisser tuer sur place. Il avait seulement une consolation, c’était que jamais combat n’avait été soutenu avec plus d’honneur, puisque la victoire avait été aussi bien décidée par le hasard que par le courage.