Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/21

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serein et des joues roses, comme il convient mieux aux doctes de la gaie science. — Mais pourquoi, si je puis vous faire cette question, dit Bertram, étiez-vous donc tout à l’heure si fâché contre mon jeune ami Charles ? »

Le jeune homme répondit avant que son père eût le temps de parler. « Mon père, mon cher monsieur, peut colorer la chose comme bon lui semblera, toujours est-il que la tête des gens fins et sages faiblit beaucoup dans ces temps de troubles. Il a vu deux ou trois loups se jeter sur trois de nos plus beaux moutons, et, parce que j’ai crié pour donner l’alarme à la garnison anglaise, il s’est mis en colère contre moi, mais dans une colère à me tuer. Quel est mon crime ? d’avoir arraché ces pauvres bêtes aux dents qui allaient les dévorer. — Voici une étrange histoire sur votre compte, mon vieil ami, dit Bertram. Êtes-vous donc de connivence avec les loups pour qu’ils vous volent votre troupeau ? — Allons, parlons d’autre chose, si vous m’aimez vraiment, répondit le cultivateur. Charles aurait pu dans son récit se rapprocher un peu davantage de la vérité, s’il avait voulu… Mais parlons d’autre chose. »

Le ménestrel, s’apercevant que l’Écossais était vexé et embarrassé, n’insista point davantage.

Au moment où ils passaient le seuil de la maison de Thomas Dickson, ils entendirent deux soldats anglais qui causaient à l’intérieur. « Paix, Anthony, disait une voix ; paix ! pour l’amour du sens commun, sinon des bonnes manières et des usages ; Robin Hood lui-même ne se mettait jamais à table avant que le rôti fût prêt. — Prêt ! » répliqua une grosse voix ; « je te dis qu’il est brûlé ; mais tout brûlé qu’il est, ce coquin de Dickson n’en aurait que petite part, si le digne sir John de Walton n’eût donné l’ordre exprès aux soldats qui occupent les postes extérieurs d’accorder à leurs hôtes les provisions qui ne leur sont pas nécessaires pour leur propre subsistance. — Silence, Anthony, silence, gare à toi ! reprit le premier interlocuteur. Si jamais j’ai entendu le pas de notre hôte, je l’entends à présent ; cesse donc de grogner, puisque notre capitaine, comme nous le savons tous, a défendu, sous des peines sévères, toute querelle entre ses hommes et les gens du pays. — À coup sûr, répliqua Anthony, je n’ai rien fait qui puisse en occasioner une ; mais je voudrais être également certain des bonnes intentions de ce sombre Thomas Dickson à l’égard des soldats anglais, car je vais rarement me coucher dans cette maudite maison, sans m’attendre à avoir la bouche aussi large ouverte qu’une huître altérée avant de