Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/210

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la défense opiniâtre de son château contre les armes de Cromwell, qui, irrité de l’opposition qu’il avait inopinément rencontrée dans cet obscur recoin de l’Angleterre, fit démanteler la forteresse et employa la mine pour en faire sauter les murailles.

Après cette catastrophe, le vieux château fut abandonné et tomba en ruines ; mais la révolution finie, lorsque sir Reginald fut de retour, il se bâtit une maison suivant le goût de ce siècle, et il eut la sagesse d’en approprier les dimensions à la fortune déchue de sa famille. Cette demeure était située à peu près au milieu du village dont le voisinage n’était pas alors regardé comme un inconvénient. On l’avait assise sur une portion de terrain mieux nivelée que le reste ; car, nous l’avons déjà dit, les maisons des villageois, perchées les unes au dessus des autres et comme encaissées dans le rocher, n’avaient guère, chacune sur son gradin, que le terrain occupé par l’édifice même. Mais celle du laird avait une cour sur le devant et un petit jardin derrière, lequel était lié à un autre enclos ; et celui-ci, occupant trois terrasses, descendait parallèlement au verger de l’ancien château jusqu’au bord de la rivière.

La famille occupait encore ce nouvel édifice environ cinquante ans avant l’époque où commence notre histoire. Alors, la maison ayant été endommagée par un incendie, et le laird de ce temps ayant hérité d’un séjour plus agréable et plus commode à trois milles du village, l’habitation que nous venons de décrire fut abandonnée à son tour. Ce seigneur, voulant peut-être couvrir les frais du déménagement, fit couper en même temps un ancien petit bois qui servait d’asile à de nombreux corbeaux ; ce fait donna lieu, parmi les villageois, à ce commun dicton : « La décadence de Saint-Ronan commença quand le laird Lawrence et les corneilles s’en allèrent. »

La maison ne fut cependant pas abandonnée aux hiboux et aux oiseaux des ruines ; au contraire, pendant bien des années, elle fut témoin de plus de plaisirs et de fêtes que lorsqu’elle avait été la sombre demeure d’un grave baron du vieux temps[1]. Bref, elle fut convertie en auberge et décorée d’une grande enseigne représentant d’un côté saint Ronan qui, avec sa crosse épiscopale, accrochait le pied fourchu de l’esprit malin, comme on en peut lire l’histoire dans sa véritable légende : de l’autre côté, on voyait les armoiries des Mowbray. C’était l’hôtellerie la plus fréquentée des environs : on racontait mille anecdotes sur les joyeuses parties qui avaient eu

  1. Auld lang syne, dit le texte ; refrain d’une chanson de Burns. a. m.