Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/225

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qu’il avait aimé à cet âge heureux où la jeunesse et la vivacité de l’imagination se forgent mille illusions qui disparaissent si cruellement dans l’âge mûr. Il plaça sa chaise dans l’embrasure de la fenêtre antique, et, relevant le châssis pour jouir de la fraîcheur de l’air, il permit à sa pensée de remonter vers des jours depuis longtemps évanouis. Et cependant, ses yeux parcouraient des objets qu’ils n’avaient pas revus depuis plusieurs années bien remplies d’événements. Il pouvait voir en face de lui la partie la moins élevée du village déchu, dont les ruines se montraient à travers les ombrages épais. Plus bas, sur la petite butte qui lui servait de cimetière, apparaissait l’église de Saint-Ronan ; et en portant ses regards plus loin encore, vers l’endroit où le ruisseau de Saint-Ronan se jetait dans la rivière qui traversait la principale vallée, il pouvait voir blanchir, aux rayons du soleil couchant, les nouvelles maisons qui venaient d’être achevées ou étaient encore en construction dans le voisinage des eaux.

« Le temps change toutes choses autour de nous, » pensait Tyrrel : réflexion bien usée peut-être, mais du moins naturelle dans sa position. « Et pourquoi l’amour et l’amitié dureraient-ils plus que nos habitations et nos monuments ? » Comme il était plongé dans ces sombres méditations, son officieuse hôtesse en troubla le cours. « Je pensais à vous offrir une tasse de thé, monsieur Francis, en raison de notre vieille connaissance ; j’aurais dit à cette princesse de Beenie de l’apporter, et je vous l’aurais arrangée moi-même ; mais vous n’avez pas encore fini votre vin… — J’ai fini, mistress Dods, répondit Tyrrel, et je vous prierai d’enlever ma bouteille. — Enlever la bouteille ! et le vin n’est pas à moitié bu, » s’écria Meg, dont le mécontentement rembrunissait les traits ; « j’espère qu’il n’y a rien à redire au vin, monsieur Tyrrel ! »

À cette interpellation, faite d’un ton qui ressemblait à un défi, Tyrrel répliqua avec déférence, déclarant que : « le vin était non seulement à l’abri de tout reproche, mais excellent. — Et pourquoi ne l’avez-vous donc pas bu ? » dit Meg, d’un ton bref ; « les gens ne doivent pas demander plus de liqueur qu’ils n’en ont besoin. Peut-être pensez-vous que nous avons les habitudes de la table d’hôte, comme ils appellent leur ordinaire de nouvelle invention là-bas, où l’on m’a dit que toutes leurs bouteilles, vraies cruches à vinaigre, étaient mises de côté dans une armoire, après le repas avec les restes de rinçures qu’elles contenaient, et un papier autour du cou, pour montrer à quel habitué elles appartenaient. Elles sont