Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/226

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là étalées comme des fioles de pharmacien ; et aucune, quelque pleine qu’elle soit, ne contiendrait un honnête mutchkin[1]. — Peut-être, » ajouta Tyrrel, désirant parler dans le sens de la colère et des préjugés de sa vieille connaissance, « peut-être le vin n’est-il pas assez bon pour qu’on puisse désirer d’avoir bonne mesure. — Vous pouvez le dire, mon garçon… et cependant ceux qui le vendent pourraient le donner à bon compte, car il ne leur coûte que la façon, et la plus grande partie n’a jamais vu la France ni le Portugal. Mais, comme je le disais, ce n’est pas ici une de leurs auberges à la mode, où l’on met le vin de côté pour ceux qui ne peuvent pas le boire… Quand la bouteille est entamée, il faut qu’on la vide… et pourquoi pas ? à moins qu’elle ne sente le bouchon. — Je suis entièrement de votre avis, Meg, dit le voyageur, mais la route m’a un peu échauffé aujourd’hui… et je pense que la tasse de thé que vous me promettez me fera plus de bien que si je finissais ma bouteille. — Alors ce que je puis faire de mieux pour vous, c’est de la mettre de côté pour servir de sauce au canard sauvage demain ; car je crois que vous avez dit que vous resteriez ici un jour ou deux. — C’est mon intention sans aucun doute, Meg, répondit Tyrrel. — Soit, dit mistress Dods ; et ainsi la liqueur n’est pas perdue… On n’a pas vu souvent de pareil vin bouillir dans une casserole, permettez-moi de vous le dire, voisin… et je me rappelle le temps où, pris ou nom du mal de tête, vous auriez vu la fin de cette bouteille, et peut-être d’une autre, si vous aviez pu me persuader de vous la donner, mais alors vous aviez votre cousin pour vous aider… Ah ! c’était un bon garçon, ce Valentin Bulmer ! Vous étiez un joyeux gaillard aussi, monsieur Francis, et j’avais de la peine à vous tenir en bride tous deux lorsque vous étiez lancés ; mais vous étiez plus raisonnable que Valentin. Cependant c’était un beau garçon : des yeux qui brillaient comme des diamants, des joues fraîches comme une rose, une chevelure touffue comme la bruyère !… C’est le premier que j’aie vu porter des favoris, comme ils disent ; mais tout le monde fait la queue au barbier, maintenant. Il riait d’un cœur à réveiller un mort ! À force de crier après lui et de rire de ses folies, il n’y avait pas moyen de s’occuper d’aucune autre personne quand ce Valentin était dans la maison… Et comment se porte-t-il votre cousin Valentin Bulmer, monsieur Francis ? »

Tyrrel baissa la tête et ne répondit que par un soupir.

  1. Mutchkin, mesure écossaise. a. m.