Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/277

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des acteurs, vous le savez, et le monde n’est qu’un théâtre. — Et notre drame a été bien triste et bien tragique, » dit Tyrrel dans l’amertume de sa douleur, incapable de se contenir plus longtemps.

« Il l’a été en effet… mais, Tyrrel, en fut-il jamais autrement des engagements formés dans un âge d’imprévoyance et de folie ? Vous et moi, vous le savez, nous voulions faire l’homme et la femme lorsque nous n’étions guère que des enfants… Nous nous sommes lancés avant le temps dans le tourbillon des passions et des aventures de la jeunesse, et en conséquence nous sommes maintenant vieux avant l’âge, et l’hiver de la vie est arrivé pour nous avant que l’été en fût bien commencé… Tyrrel ! j’ai pensé bien souvent à tout cela… bien souvent : hélas ! quand viendra le temps où je serai en état de penser à autre chose ? »

La pauvre jeune personne sanglotait amèrement, et ses larmes commencèrent à couler plus abondamment qu’elles ne l’avaient probablement fait depuis long-temps. Tyrrel continuait de marcher en silence à côté du cheval qui suivait maintenant sa route vers la maison. Quelque chose qu’il eût résolu de lui dire, il était détourné de lui parler par les indices évidents de quelques teintes de folie qui obscurcissaient ses facultés mentales, si elles ne pouvaient les détruire.

Enfin il lui demanda avec tout le calme dont il fût capable… si elle était satisfaite… si on ne pouvait rien faire pour rendre sa situation plus agréable… si elle avait à se plaindre de quelque chose à quoi il pût remédier. Elle répondit avec douceur qu’elle était calme et résignée lorsque son frère lui permettait de rester à la maison, mais que, forcée trop souvent de paraître en société, elle éprouvait un trouble et une impatience extraordinaires. Ainsi, l’eau du ruisseau qui dort paisiblement dans son lit, semble se troubler tout-à-coup lorsqu’elle va se mêler avec fracas aux flots agités de la cataracte.

Mais mon frère Mowbray, ajouta-t-elle, pense qu’il a raison… ? et peut-être en est-il ainsi. Il y a des choses sur lesquelles on a tort de s’appesantir trop long-temps…. et quand même il se tromperait, pourquoi ne me contraindrais-je pas pour lui faire plaisir ?… Il reste si peu de personnes auxquelles je puisse maintenant causer de la peine ou de la joie !… Et puis, je suis encore gaie dans la conversation, Tyrrel… encore aussi gaie à certains moments que je l’étais quand vous me grondiez de mes folies. Maintenant que je vous ai