Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/300

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L’étranger réussit encore bien mieux à se concilier les bonnes grâces de mistress Dods lorsqu’il se mit à déclamer contre le nouvel établissement d’eaux minérales formé à Saint-Ronan. Enchantée d’entendre M. Touchwood appeler les Eaux de Saint-Ronan une véritable source de folie et de fatuité, une Babel pour le bruit, et une foire de sottises, elle s’empara de la théière et remplit elle-même la tasse de l’étranger, en lui disant qu’à coup sûr il n’en avait pas bu de meilleur aux Eaux.

« Du thé aux Eaux de Saint-Ronan, madame ! s’écria le voyageur ; jamais ! Des feuilles d’épine et de frêne étaient apportées dans des boîtes peintes, préparées par des singes portant livrée, et couverts de poudre, et consommées par ceux qui aimaient une pareille boisson, au milieu du bavardage des perroquets et du miaulement des chats. Combien je regrettais le temps du Spectateur, où j’aurais mis mon sou sur la table, et je me serais retiré sans cérémonie ! »

Meg jugea l’occasion bonne pour dire à l’étranger que, s’il fût descendu chez elle, il aurait bu certainement le meilleur thé qu’on pouvait se procurer dans le pays. De l’établissement des Eaux on passa au propriétaire. M. Touchwood ne concevait pas comment le jeune laird de Saint-Ronan avait pu fonder une pareille pétaudière sur les domaines de son père. Mistress Dods, que son respect héréditaire pour la famille Mowbray empêchait toujours de tenir aucun propos qui pût nuire à la réputation du laird actuel, voulut prendre sa défense en cette occasion ; mais M. Bindloose fit chorus avec l’étranger, attendu que lui, Bindloose, avait escompté au jeune Mowbray deux traites que celui-ci ne s’empressait nullement d’acquitter : le clerc se plaignait surtout de ce que la veille encore Mowbray avait presque mis à vide tous les magasins de la ville pour régaler le beau monde de Saint-Ronan, et n’avait payé toutes ces fournitures qu’en billets.

« Je crois qu’il en sera pour ses préparatifs, ajouta M. Touchwood, car j’ai ouï dire que la fête serait remise à cause d’une indisposition de miss Mowbray. À présent, surtout, que le jeune lord est arrivé, on attendra sans doute qu’elle soit rétablie. »

Un accès de mauvaise humeur difficile à décrire, s’empara de mistress Dods lorsqu’elle entendit l’étranger dire qu’un lord logeait à l’hôtel rival du sien. Elle s’évertua pour trouver quelque défectuosité au titre qui donnait à ce lord le droit de siéger au parlement. M. Touchwood ne manqua point non plus, pour prouver