Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/301

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combien l’Écosse avait changé, et changé en mal, d’assurer que le lord s’était rendu aux Eaux par suite d’une blessure qu’il avait reçue dans l’épaule : un brigand qui voulait le voler lui avait tiré un coup de pistolet.

Revenant, par une transition assez naturelle, au motif de sa visite, mistress Dods demanda enfin à l’étranger s’il n’avait point entendu parler, aux Eaux, d’un certain M. Tyrrel. M. Touchwood répondit qu’on ne parlait plus que de lui seul ; qu’il avait eu, disait-on, une sotte querelle pour laquelle il n’avait pas jugé à propos de se battre. « Pour moi, ajouta-t-il, je vois là encore une folie qui a gagné du terrain chez vous. Autrefois deux lairds bien orgueilleux, ou deux cadets de famille, pouvaient se battre à la manière gothique, mais je ne conçois vraiment pas qu’on ose proposer un duel lorsqu’on n’a point d’ancêtres. »

M. Bindloose ne manqua point de profiter de cet incident pour démontrer à mistress Dods, comme il le lui avait déjà déclaré, qu’évidemment le jeune Tyrrel n’avait pas été assassiné, et que tout simplement il avait pris la fuite : aussi l’aubergiste piquée, se leva-t-elle une seconde fois pour demander son carrosse. Mais toute hôtesse qu’elle était dans ses propres domaines, elle comptait sans son hôte dans la présente occasion ; car le postillon bossu, aussi absolu dans son département que mistress Dods elle-même, déclara que les chevaux ne seraient pas capables de se remettre en route avant deux heures. La bonne dame fut donc obligée d’en passer par le bon plaisir de son domestique ; ne cessant de se lamenter amèrement sur les pertes que devait de toute nécessité éprouver une maison publique en l’absence du maître ou de la maîtresse, s’imaginant à l’avance une longue liste de plats cassés, d’écots mal calculés, de chambres laissées en désordre, et d’autres désastres auxquels il lui fallait s’attendre à son retour. M. Bindloose, jaloux de reconquérir les bonnes grâces de son excellente amie et cliente, n’osa cependant pas lui alléguer, pour motif de consolation, motif désagréable quoique bien naturel, qu’une auberge peu fréquentée n’était guère exposée à de tels accidents ; au contraire, il la plaignit de la manière la plus cordiale, et alla jusqu’à donner à entendre que si M. Touchwood était venu à Marchthorn avec des chevaux de poste, comme l’annonçaient son costume si propre et ses bottes bien luisantes, elle pourrait en profiter pour retourner plus vite à Saint-Ronan !

Quelle fut la joie de Meg Dods quand l’étranger non seulement