Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/304

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provisions que toute décente auberge, autre qu’un simple cabaret, offrait toujours au voyageur.

Bref, il criait, tempêtait, ordonnait, et se faisait obéir ; il tenait sans cesse les domestiques sur pied, et cependant son naturel était vraiment si bon quand il s’agissait d’objets essentiels, qu’il était impossible de lui en vouloir le moins du monde : de sorte que mistress Dods, quoique dans des moments de spleen elle le souhaitât parfois au sommet du Tintok, finissait toujours par chanter ses louanges. Elle ne pouvait pas, il est vrai, s’empêcher de le soupçonner d’être un nabab ; car elle l’entendait parler sans cesse des pays étrangers ; elle le voyait toujours satisfaire ses moindres envies et montrer à l’égard des autres une extrême générosité, attributs qu’elle regardait comme inhérents à tous les hommes de l’Inde. Mais, quoique le lecteur sache déjà qu’en général mistress Dods était mal prévenue envers cette espèce de favoris de la fortune, cependant elle avait assez de raison pour sentir qu’un nabab, vivant dans le voisinage et faisant hausser le prix des œufs et des volailles, était bien différent d’un nabab habitant sa propre maison, prenant chez elle-même toutes ses provisions, et payant sans hésitation ni chicane tous les mémoires que sa conscience lui permettait de présenter. En un mot, pour en revenir au point où nous aurions peut-être dû nous arrêter plus tôt, l’aubergiste et son hôte étaient fort satisfaits l’un de l’autre.

Mais l’ennui trouve toujours moyen de se glisser en tout lieu, quand le vernis de la nouveauté a disparu ; et ce démon s’empara de M. Touchwood, précisément au moment où il était parvenu à tout faire aller à sa guise dans l’hôtellerie… lorsqu’il avait enfin initié dame Dods aux mystères du curri et des mullegatwny… habitué la fille à faire son lit suivant l’angle d’inclinaison recommandé par sir John Sinclair… et presque réussi à instruire le postillon bossu dans l’art de panser les chevaux à la manière des Arabes. Des pamphlets et des journaux, venus de Londres et d’Édimbourg par liasses énormes, ne parvinrent pas à mettre en déroute l’ennemi qui troublait le bonheur de M. Touchwood, et enfin il songea à voir de la société. Les Eaux lui présentaient une ressource naturelle… mais le voyageur sentait un saint frisson de peur lui agiter tout le corps au souvenir de lady Pénélope qui l’avait tant soit peu mal mené durant sa première résidence au fameux hôtel ; et quoique la beauté de lady Binks eût pu charmer un Asiatique par les grâces bouffies de ses contours, notre vieillard