Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rarement d’avoir assez d’indulgence envers lui-même pour confier au papier les fruits de sa muse.

D’après cette disposition à une modestie pudibonde, notre savant cherchait à contenir une grande facilité naturelle pour le dessin, quoiqu’il fût sans cesse complimenté, sur des esquisses qu’il jetait sur le papier, par des personnes dont le jugement et le bon goût étaient reconnus. C’était néanmoins ce talent négligé, qui, comme les pieds agiles du cerf dans la fable, devait lui rendre un service qu’il aurait pu attendre vainement de son mérite et de sa science.

Lord Bidmore, connaisseur distingué, eut besoin d’un précepteur particulier pour son fils et héritier, l’honorable Auguste Bidmore ; et, à ce sujet il consulta le professeur de théologie, qui fit passer en revue devant lui plusieurs étudiants qu’il voulait favoriser, et qu’il croyait très propres à remplir une pareille place ; mais sa réponse à la question importante et inattendue de lord Bidmore : « Le candidat sait-il dessiner ? » fut toujours négative. À la vérité, le professeur ajouta que dans son opinion un pareil talent n’était guère nécessaire chez un étudiant en théologie, et qu’il croyait que cela devait être difficile à rencontrer ; mais voyant qu’on appuyait sur cette condition comme un sine qua non, il se rappela enfin un jeune homme de son cours, espèce de rêveur qui osait à peine parler assez haut pour se faire entendre, lors même qu’il lui fallait lire son devoir ; mais qui, disait-on, avait beaucoup de dispositions pour le dessin. C’en fut assez pour lord Bidmore, qui parvint à voir quelques esquisses du jeune Cargill, et qui demeura convaincu que, sous un pareil instituteur, son fils ne pouvait manquer de soutenir une réputation de goût héréditaire qu’avaient acquise son père et son grand-père, aux dépens d’une fortune considérable, dont la valeur représentative consistait alors dans les toiles peintes accrochées aux murs de la grande galerie de Bidmore-House.

Prenant alors tous les renseignements convenables sur le jeune homme proposé, lord Bidmore trouva qu’il possédait toutes les qualités nécessaires, tant morales que scientifiques, et à un plus haut degré peut-être qu’on n’eût pu l’espérer ; ainsi, à la grande surprise de ses compagnons d’étude, mais surtout à la sienne propre, Josiah Cargill fut promu à la place désirée et désirable d’instituteur privé de l’honorable M. Bidmore fils.

M. Cargill s’acquitta de ses fonctions avec capacité et conscience ;