Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/350

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à la bouche. Puis, faisant allusion à mon aventure avec la fille de mon gouverneur, il disserta longuement sur la folie des mariages secrets, m’avertissant que dans le pays où j’allais, le nœud matrimonial est souvent caché sous des fleurs, et qu’on se trouve l’avoir au cou lorsqu’on s’attend le moins à porter une pareille cravate ; il m’annonça en finissant qu’il avait conçu des vues très particulières sur mon avenir et sur celui de Francis, et qu’il ne nous pardonnerait jamais à l’un ni à l’autre de nous engager dans les liens téméraires qui empêcheraient ses vues de se réaliser.

« On nous expédia donc pour l’Écosse, accouplés comme deux chiens d’arrêt, et animés de fort peu de cordialité l’un à l’égard de l’autre. Je remarquai souvent chez Francis le désir d’entrer en explication sur nos situations respectives ; mais je ne me sentais nullement disposé à encourager sa confiance. Cependant, comme, d’après l’ordre de mon père, nous nous appelions cousins et non frères, nous finîmes par nous traiter en camarades, sinon tout-à-fait en amis. Ce que pensait Francis, je n’en sais rien ; pour ma part, je dois avouer que j’épiais toujours quelque occasion de me raccommoder avec mon père, dût-ce être au préjudice de mon rival. Mais la fortune, tandis qu’elle semblait me refuser une pareille occasion, nous précipita tous deux dans les labyrinthes les plus étranges et les plus compliqués que préparât jamais cette divinité capricieuse : je travaille encore en ce moment à m’en tirer par force ou par adresse.

« Mon père était grand chasseur, et Francis et moi nous avions tous deux hérité de son goût pour cet exercice ; mais moi surtout, je l’aimais avec une véritable fureur. Édimbourg, qui est une résidence passable en hiver et au printemps, devient désagréable l’été ; et pendant l’automne, c’est le séjour le plus triste auquel de pauvres humains puissent être condamnés. Aucun lieu public n’est ouvert, aucun habitant de considération ne reste dans la ville ; ceux qui ne peuvent la quitter se cachent dans des coins obscurs, comme honteux de se montrer dans les rues… les nobles s’en vont à leurs maisons de campagne… les bourgeois courent prendre les bains de mer… et tout le monde se dirige vers les marais pour chasser les coqs de bruyère. Nous qui sentions combien il était indigne de rester en ville pendant cette saison déserte, nous obtînmes du comte, non sans peine, la permission de nous livrer à la chasse dans quelque coin ignoré. La première année de notre bannissement, nous allâmes chasser dans le voisinage des montagnes ; mais