Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/353

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vantager, et reporterait sur moi toute sa tendresse. Ces considérations, qui se présentèrent à mon esprit avec la rapidité de l’éclair, me portèrent à donner des avis à Francis sur la périlleuse partie qu’il se proposait de jouer. J’avais seulement à prendre garde de remplir un rôle assez apparent pour attirer l’attention de mon père.

« Je reconnus bientôt que les amants avaient plus besoin de mes secours que je ne l’avais d’abord supposé. Car ils étaient absolument novices dans un genre d’intrigues qui me paraissait à moi aussi aisé et aussi naturel que le mensonge. Francis avait été découvert dans ses promenades avec Clara, et la nouvelle en avait été portée au vieux Mowbray qui s’emporta vivement contre sa fille, bien qu’il s’imaginât que tout son crime était d’avoir fait la connaissance d’un étudiant anglais inconnu. Il défendit tout commerce à l’avenir ; résolut, en style de juge de paix, de débarrasser le pays de nous, et se gardant bien de mentionner la faute de sa fille, accusa Francis d’avoir braconné sur ses terres. Son signalement fut donné à tous les gardes du château, de sorte que les amants ne purent se voir sans courir de grands risques. L’alarme fut si vive que maître Francis jugea prudent, par égard pour Clara, de s’éloigner jusque dans la ville de Marchthorn et de s’y cacher, sans plus avoir avec la jeune miss qu’un commerce épistolaire.

« Ce fut alors que je devins l’ancre maîtresse des espérances de nos amants ; ce fut alors que ma précoce dextérité et les vastes ressources de mon imagination furent, pour la première fois, mises à l’épreuve. Il serait trop long de vous détailler tous les rôles que je remplis pour entretenir la correspondance des deux tourterelles séparées…. J’escaladais les murailles, je passais les rivières à la nage, je bravais les meutes de chiens, les bâtons, les coups de fusil ; et sans cet espoir d’avantage personnel dont je vous ai parlé, je ne devais retirer ni honneur ni récompenses de mes peines. Je vous avouerai que Clara Mowbray était si vraiment belle, si absolument confiante en l’ami de son amant, et si intime avec moi, que parfois je pensais qu’en conscience elle ne devrait pas avoir scrupule d’accorder quelque petite faveur à un agent si fidèle. Mais c’était la pureté en personne ; et j’étais alors si novice moi-même, que je ne savais pas comment j’aurais pu ensuite battre en retraite, si je m’étais avancé trop hardiment. Je ne hasardai donc rien qui pût exciter le soupçon, et comme ami confidentiel des amants, je préparai tout pour leur secret mariage. Le pasteur de la paroisse consentit à célébrer la cérémonie, décidé à le faite par un argu-