Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/386

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le poussait à tout faire pour se maintenir sur le pied d’une apparente égalité.

Depuis la mémorable partie de piquet, Mowbray n’avait joué contre Étherington que des sommes peu considérables ; mais son amour-propre lui faisait croire qu’il connaissait maintenant la manière de jouer de son adversaire ; et, suivant l’habitude des joueurs, il éprouvait de temps en temps la tentation de prendre sa revanche ; il désirait aussi pouvoir s’acquitter de sa dette envers Étherington : une obligation pécuniaire était pour lui d’un poids insupportable, et c’est ce qui l’empêchait de s’expliquer franchement avec le comte de la cour assidue qu’il faisait à lady Binks, ce que Mowbray regardait comme une insulte d’après les intentions qu’il avait à l’égard de Clara. Une heureuse soirée pouvait délivrer Mowbray de ces obligations, et il s’abandonnait à ces rêves de son imagination, quand il fut interrompu par Jekill. L’avertissement intempestif de ce dernier ne fit qu’exciter en lui un esprit de contradiction et la résolution de prouver au capitaine combien peu il était en état de juger de ses talents. D’après ces dispositions, sa ruine, qui fut consommée dans cette soirée, ne sembla pas préméditée par le comte d’Étherington.

Au contraire, la victime elle-même fut la première à proposer de jouer, de jouer gros jeu, de doubler les mises. Lord Étherington, au contraire, offrit à plusieurs reprises de diminuer le jeu, de laisser là les cartes ; mais ce fut toujours avec un air de supériorité qui ne faisait qu’exciter Mowbray à risquer davantage. À la fin, quand Mowbray eut perdu une somme énorme pour lui, le comte jeta les cartes, et déclara qu’il serait trop tard pour se rendre au thé de lady Pénélope, comme il l’avait formellement promis.

« Ne voulez-vous donc pas me donner ma revanche ? » dit Mowbray eu battant les cartes d’un air mécontent et agité.

« Pas maintenant, Mowbray, répondit le comte ; nous n’avons déjà joué que trop long-temps… Vous avez trop perdu, plus peut-être qu’il ne vous conviendrait de payer en ce moment. »

Mowbray grinça des dents, en dépit de sa résolution de conserver au moins un extérieur de fermeté.

« Vous pouvez prendre du temps, dit le comte ; un billet de vous me conviendra tout autant que de l’argent comptant. — Non, Dieu me damne ! s’écria Mowbray, je n’y serai pas repris une seconde fois… j’aurais mieux fait de me vendre au diable qu’à Votre Seigneurie. — Ces expressions, Mowbray, ne sont pas amicales.