Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/394

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pait d’ordinaire, et que sa faiblesse lui permit à peine d’atteindre. « Clara, » dit-il après un intervalle de silence, « il nous faut penser à ce qu’il convient de faire, sans passion ni violence… il peut y avoir encore quelque chose pour nous dans les dés si nous n’abandonnons pas la partie. Une tache n’est pas une tache tant quelle est cachée… le déshonneur ignoré n’est pas déshonneur sous un certain rapport… M’entends-tu, fille misérable ? » dit-il en élevant tout-à-coup la voix d’un ton sévère.

« Oui, mon frère… oui vraiment, mon frère, » s’empressa-t-elle de répondre, craignant de réveiller encore, par un délai même, son caractère irritable et féroce.

« Voici donc ce qu’il faut faire, reprit-il : il vous faut épouser cet Étherington… il n’y a point d’alternative, Clara… vous ne pouvez vous plaindre d’une chose que vos fautes et vos folies ont rendue inévitable. — Mais, mon frère… » dit la malheureuse en tremblant.

" Silence ! Je sais tout ce que vous pourriez dire. Vous ne l’aimez pas, direz-vous. Je ne l’aime pas plus que vous, moi. Même, qui plus est, il ne vous aime pas. S’il vous aimait, je me ferais scrupule de vous donner à lui, après l’aveu que vous venez de faire. Mais vous l’épouserez par haine, Clara, ou dans l’intérêt de votre famille, ou pour toute autre raison que vous voudrez… mais il faut l’épouser, et vous l’épouserez. — Mon frère, mon très cher frère, un seul mot. — Point pour un refus ! point pour des récriminations ! le temps en est passé. Quand je vous croyais ce que j’ai pu vous croire encore ce matin, j’aurais pu vous conseiller, et non vous contraindre ; mais depuis que l’honneur de notre famille a été flétri par vous, il est de toute justice que cette flétrissure soit réparée, s’il est possible ; et elle le sera… oui, dussé-je ne parvenir à l’effacer qu’en vous vendant comme esclave. — Vous me traitez plus cruellement, bien plus cruellement encore ! Une esclave au marché peut être achetée par un bon maître… Vous ne me donnez pas cette chance… vous me mariez à un homme qui… — Ne le craignez pas, ne redoutez rien de sa part. Je sais ses raisons pour vous épouser ; et une fois redevenu votre frère (comme votre obéissance sur ce point me le fera redevenir), mieux vaudra pour lui qu’il s’arrache sa propre chair avec ses dents, que de vous causer le moindre déplaisir. Par le ciel ! je le hais tellement que c’est une consolation, ce me semble, de penser qu’il ne vous possédera point telle que je vous croyais !… Déchue comme vous l’êtes, vous êtes encore trop bonne pour lui… »